|
[ MOTS DU COEUR ] [ PHOTOS ] [ MOTS D'AMOUR ] [ PENSEES ] [ PUBLICATIONS ] [ FACEBOOK ]
|
|
|
|
RÊVERIE POUR UN ROI DE CŒUR
23/09/2011 15:11
Comme chaque jour à la même heure, Esméralda se concentre sur son tarot soigneusement étalé devant elle. Quelles que soient les cartes sorties, il est rare de ne pas voir le roi de cœur. C’est autour de lui que tout se joue, que tout se noue ou se dénoue comme un lien qui n’aurait ni commencement, ni fin. Elle aussi, la dame de cœur est rarement absente sinon que serait l’un sans l’autre même séparé par des destins capricieux. Cela la rassure bien que cela ne remplace pas sa réelle présence à ses côtés, bien entendu. Mais que peut faire d’autre une diseuse de bonne aventure contre un implacable destin qui fait que l’un s’en va tandis que l’autre l’attend ? Elle n’a que son tarot pour le suivre dans ses vagabondages à travers l’Europe, et assez d’amour pour attendre son retour. Suivant le fil de sa pensée, ses lèvres s’entrouvrent, et dans un doux murmure quand elle entre en contact avec lui. Quel que soit le jour ou l’heure de ton retour, mon roi, mon amour, il te suffira de pousser la porte entrebâillée pour que nous nous retrouvions. Je sais que tu ne manqueras pas ce nouveau rendez-vous, comment le pourrais-tu sans en souffrir, sans me faire encore plus me languir ? C’est écrit dans notre destin commun, et le tarot me le confirme inlassablement, et me permet de me préparer à ton retour. Alors, il n’y a pas un jour qui passe sans que je dresse la table digne d’un roi de cœur. Sans que je mette ton vin préféré à chambrer afin qu’il flatte ton palais, et fasse chanter ton âme comme les sons cristallins d’une harpe. Dans le secret de ma cuisine, je mitonne les mets les plus raffinés, ceux que tu préfères, et dont tu ne te lasses jamais. Pendant que le repas mijote, je me rends dans ce jardin que tu aimes tant, et dans lequel nous nous installons lorsque le jour décline. Je cueille les plus belles roses, les rouges pour la suavité de leur parfum, et la beauté de leurs contours. Je les dispose un peu partout dans la maison afin que l’intérieur soit comme l’extérieur, magnifique, et enchanteur. Lorsque tout est prêt dans la maison, je monte te faire couler un bain afin que tu puisses te remettre des fatigues du voyage. J’y ajoute des huiles rares aux parfums exotiques qui te transporteront vers les iles lointaines, et c'est ensemble que nous embarquerons pour Cythère. D’une seule voix, mon amour, nous évoquerons alors Charles Baudelaire, notre poète préféré, cette grande âme qui sait si bien faire chanter la nôtre. Te souviens-tu, amour, de ces mots qui nous ressemblent, de ces rimes que nous avons faites nôtres, et que nous murmurons dans un soupir :
"Aimer à loisir. Aimer, et mourir au pays qui te ressemble. Là, tout n’est qu’ordre, et beauté. Luxe, calme, et volupté".
Esméralda a retrouvé son mystérieux sourire, elle semble apaisée, infiniment heureuse. Elle l’a rejoint par delà les frontières, au-delà du temps qui sépare, qui déchire l’âme des amants loin l’un de l’autre. Puis tournant son regard vers l’horizon, elle s’imagine voir se dessiner dans les ors du soleil couchant sa frêle silhouette. Elle le voit s'avancer de son pas tranquille vers elle, tandis qu’elle se noie dans l’eau gris-bleu de son regard ! Elle l’entend lui murmurer à l’oreille que ce voyage était le dernier, qu’il était revenu vers elle pour toujours. Il lui dit cela à chacune de ses retrouvailles, mais il ne résiste jamais à l’appel de l’aventure. Alors, elle fait semblant d’y croire en se disant que demain sera un autre jour, avec une autre histoire. Tout a une fin, soupire-t-elle, un jour viendra où nous aurons enfin l'éternité en partage. Mais en attendant que vienne ce temps de félicité éternelle qui ne fait pas partie de ce monde, elle se prépare à le recevoir. Revêtant ses plus belles parures, et se parant des bijoux que son roi de cœur lui rapporte de ses voyages, elle l’attend. Elle resplendit comme un astre sous les feux des fastueux ornements que seul un roi de cœur peut offrir à la reine de son cœur. Et afin que tout soit parfait, elle ajoute par petites touches aromatisées la petite note de senteur magique qui le transportera de délices lorsqu’il la serrera contre son cœur. Il arrive parfois qu’Esméralda éprouve un peu de lassitude à voir défiler le temps les yeux rivés sur l’horizon, sur son tarot. Alors elle imagine qu’elle est quelqu’un d’autre dans une autre vie, et que l’élu de son cœur est constamment à ses côtés. Mais là, plus rien ne va, tout se brouille, se disperse, ses cartes sont devenues muettes, et si elle attend quelqu’un ou quelque chose, c’est seulement la mort. Alors elle efface d’un geste de la main cette vision dans laquelle Esméralda s’était éloignée de Smaïl, son roi de cœur pour l’éternité. Elle sait que l’amour qui la relie à Smaïl n’est éternel que par la séparation qui les réunit occasionnellement.
L’éternité n’est pas un dû, il se gagne, se fortifie, et atteint sa plénitude dans un autre espace-temps où se retrouvent tous ceux qui s’aiment. Les tarots sont régis par des énergies cosmiques dont nous-mêmes
sommes issus, et croire leurs prédictions, c’est savoir que nous ne sommes pas seuls dans l'univers. Par l'intermédiaire de ses tarots, Esméralda est au cœur des mystères qui régissent la respiration de l'humanité. Elle connait tous les secrets des astres, le mouvement des marées, et ce qu'il en coûte de ne pas respecter leurs commandements. Mais pour le moment elle ne veut penser qu'à lui, son roi si cher à son cœur. Elle sait que le temps où il l’enlacera de son étreinte d’éternité n’est plus si loin, alors elle continue sa route faite de séparations, et de retrouvailles.
| |
|
|
|
|
|
|
|
OU ES-TU MON AMOUR
23/09/2011 14:55
Jours de détresse où tout galère, rien ne va plus, les jeux sont faits ! La pluie se heurte contre les parois de mon cœur, donne du flou à mes sentiments, fait vaciller mes souvenirs, ombres fantomatiques du passé. Jour après jour tout recommence, la vie à la dérive, les rêves à ne plus savoir qu’en faire, les chimères nées des océans qui nous séparent. Un beau matin, je me réveille sous le charme psychédélique des retrouvailles, et je m’y accroche de toutes mes forces pour ne pas sombrer. Mon cœur s’emballe, je me fais mille promesses inventées dans la minute, dans la précipitation de l’instant si fragile qu’il peut à tout moment m’abandonner. Alors, je repense à Cythère ou à tout autre paradis où il n’y aurait eu que nous, et le chant des vagues venant se briser à nos pieds. Puis je réalise que je divague, que notre île n’existe que dans mon imagination, dans le besoin d’être avec toi, quelque part, n’importe où. Alors, je te cherche dans le bleu de l’azur, dans la paisible mouvance des nuages, à l’horizon où la terre, et le ciel se rejoignent. Quand bien même devrais-je te chercher dans d’autres mondes invisibles ou lointaines contrées encore inexplorées, je le ferais. Je t’appellerais de tous mes vœux, de toutes mes forces, et je graverais à tout jamais ton nom dans la chanson du vent, et dans chaque goutte de pluie. Si ma dernière heure venue il me fallait fermer les yeux sans t’avoir revu, sache que je te rechercherais éternellement Smaïl, mon lancinant amour, mon âme sœur. Vie après vie je frapperais à toutes les portes jusqu’à trouver celle derrière laquelle tu es. Je crierais ton nom jusqu’à en perdre le souffle, te chanterais avec mes mots que tu aimais tant, te réinventerais chaque jour au fil du temps, au fil de l’eau ou des nuages. Je te chercherais dans chaque homme, dans chaque sourire, dans les silences des nuits, et le brouhaha des jours. Je te retrouverais même dans des milliers d’années, et tout recommencera comme aux premiers jours du monde lorsque l’homme s’appelait Adam, et sa compagne Ève.
| |
|
|
|
|
|
|
|
UNE OASIS DE PAIX
23/09/2011 14:15
La mort, l’incontournable thème que nous redoutons tant hormis quelques rares esprits en passe de connaître l’Éveil. Nous évoluons selon le degré des connaissances acquissent au cours de nos voyages entre terre, et ciel. Dès notre premier séjour terrestre on nous apprend à craindre la mort dont nous avons oublié qu’elle n’est rien d’autre que le pendant de la vie. Nous la redoutons parce que conçu comme un irréparable déchirement alors qu’elle n’est qu’une pause dans notre long parcours. Je sais, je parle de la mort comme si j'étais à l'abri de toutes émotivités, mais que l'on se rassure. J'ai beau savoir que seul le corps est périssable, je n'en suis pas moins à l'abri des émotions, et de la douleur causée par le départ d'un être cher. Sachez cependant que derrière mes larmes je me réjouirais en pensant que son âme repose momentanément au cœur de son étoile. Nous sommes tous, en quête de connaissances par le fait même qu’avant d’être hommes nous sommes esprits. Si le corps physique a besoin de nourriture terrestre, le corps astral lui se nourrit d’apports spirituels. Quelle meilleure école pouvons-nous trouver où concilier ces deux parties de notre être que celle de la vie ? C’est en haut que nous naissons, et en bas que nous apprenons, et que nous grandissons. Alors, sans cesse, nous reprenons notre bâton de pèlerin, et repartons vers de nouveaux mirages pour gagner l’éternité, cette oasis de paix. Une oasis où les étoiles sont aussi nombreuses que les grains de sable du grand sablier céleste qui ne cesse pour chacun d'entre nous de se déverser. Nous allons, et venons dans la joie de la naissance, et la douleur du deuil. Rien ne peut arrêter le cycle universel de la vie qui ne saurait être sans la mort.
Quand mon heure sera venue, j'aimerais que nul ne versât de larmes, mais qu'au contraire l'on célébrât mon départ provisoire comme une délivrance de tant de souffrances endurées, de tant de blessures non cicatrisées. Je voudrais qu'on laissât ma pauvre âme s'élever librement vers son étoile en sachant que je reviendrais reprendre ma quête de vérité là où je l'aurai quitté !
| |
|
|
|
|
|
|
|
LES MARELLES DE MON ENFANCE
23/09/2011 13:08
Le temps a passé, et avec lui s'en sont allées les marelles de mon enfance tracée d’une craie maladroite sur le trottoir de la rue de La Rochefoucauld. Mais elles sont restées à tout jamais gravées dans ma mémoire, témoins d'un bonheur suranné, et bien trop fragile ! Jour après jour nous les redessinions parallèlement au numéro cinquante-neuf de la rue Pigalle de manière à ce que ma mère puisse nous surveiller mon petit frère, et moi. Je vivais entourée de ma famille dans un espace vital d'environ six ou sept mètres carrés, mais pour moi c'était suffisant pour que je m'y sente en sécurité. J’y avais vécu juste le temps d’être assez haute pour ouvrir la porte toute seule, et aussi pour la refermer à tout jamais derrière moi. À cette époque bénie soit elle, j'avais l'âme d'un moineau, et l'insouciance qui seyait à mon jeune âge. Nous sommes en mille neuf cent cinquante, j’ai huit ans et depuis que ma grande sœur nous a quittés je suis devenue l’ainée. À présent, c’est moi qui seconde ma mère dans les menues choses du quotidien, et qui prends soin de mon petit frère quand elle est occupée à d’autres tâches. Deux ans plus tôt, notre famille avait connu son premier drame avec le départ de Robert, le benjamin. Il n’avait que huit mois quand il tomba malade, et qu’un ange vint le chercher à l’hôpital pour l’emmener au paradis des enfants. C’est en tout cas ce que ma mère m’avait dit afin de m'expliquer son absence. Je me suis efforcée d’y ajouter foi aussi longtemps que possible bien que parfois il m’arriva d’en douter étant donné l’immatérialité des anges. Je n’en avais jamais vu pour de vrai, et j’avais du mal à faire la jonction entre mon petit frère que j’avais tenu dans mes bras, et eux. J’ai donc continué à aller, et venir de la terre au ciel sur les marelles de mon enfance, mais il ne fut jamais donné d’en rencontrer. Enfin ! C’est ce que je croyais n'étant pas en mesure de les visualiser. Puis un matin, je me suis réveillée, et j’étais devenue une grande qui ne jouait plus à la marelle ailleurs que dans sa tête. J’avais de plus en plus de préoccupations qui n’avaient plus rien à voir avec le ciel, et sans m’en rendre compte j’ai laissé Robert glisser sur son petit nuage. Je l’ai laissé partir à contrecœur, à contrecourant de cette belle histoire que m’avait racontée ma mère. Je n’avais toujours pas vu d’anges ailleurs que sur les vitraux des églises, mais j’avais appris la signification du mot mort. Inconsciemment, la vieille dame un peu tourmentée s'efface pour laisser la place à la petite fille insouciante des jours bonheur ! Alors, je lève les yeux là où elle se tenait, mais je ne vois que deux fenêtres closes. Où es-tu ma si jolie maman autour de qui tourna toute une partie de mon existence, la plus belle, celle qui me fait le plus défaut. Je ne la vois pas, je ne la vois plus, et pourtant je sais qu’elle est toujours là parce qu'elle aimait tellement regarder ce qui se passait dans sa rue, dans son quartier. Le temps des marelles est révolu, et aujourd'hui les enfants jouent à des jeux électroniques ce qui évite aux mamans de les surveiller de leurs fenêtres. Ainsi va la vie, trois petits tours sur la marelle du temps passé, du temps à venir, et sur des souvenirs tombés en désuétudes. Mes parents s’en sont allés rejoindre leur enfant dernier-né qui les avait précédés bien trop tôt, et bien trop vite. Moi, je suis restée pour écrire leur histoire afin que leur mémoire ne tombe jamais dans l’oubli.
| |
|
|
|
|
|
|
|
CHANT D’AUTOMNE
23/09/2011 13:06
Symphonie mordorée d’un automne qui dépouille silencieusement les arbres de leurs frondaisons molletonnées, et encore humides de rosée. Murmures feutrés des arbres qui se préparent à passer l’hiver dans la nudité de leurs ramées. Paris, mille neuf cent quarante-deux, nous sommes sur la liste non exhaustive des condamnés à mort au nom d’un fanatisme jusqu'à ce jour inégalé.
Chant d’automne accompagnant la naissance d’un nouveau-né, cris étouffés derrière les volets clos d’un hôtel meublé afin de ne pas alerter la mort qui rôde à pas feutrés. La mort uniformisée qui en cette époque d’hystérie planétaire n’a guère besoin de laissez-passer pour s’infiltrer sous toutes les portes d’entrée.
Chant d’automne pour juguler les cris de familles entières embarquées à tour de bras dans des rafles intempestives. Tempo terrifiant et persistant des allées et venues des wagons plombés où sont entassés des êtres humains terrifiés en route pour les camps d’extermination.
Chant d’automne se faufilant entre baraquements, et barbelés au vu, et au su de l’occupant des miradors. Mitraillettes pointées sur d’humbles silhouettes décharnées, et déjà aux portes de l’enfer.
Chant d’automne imprégné de l’horreur de tous ces corps amoncelés, profanés, et jetés pêlemêle dans d’infâmes charniers.
Chant d’automne pour les arbres noircis par la fumée des cheminées des crématoriums sans que s’élève la moindre protestation d’indignation au nom de l’humanité.
Chant d’automne pour Anne Franck et sa famille terrée dans un grenier, ainsi que pour tous les autres aussi qui sursautent au moindre bruit de pas dans l’escalier. Mots d’enfant consignés dans un cahier d’écolier pour que si par malheur nous n’y échappions pas, que le monde sache qu’un jour nous aussi nous avions existé.
Chant d’automne dans les bois à l’épais tapis de feuilles qui assourdirent les pas des résistants. Des hommes, et des femmes prêts à mourir au nom de la liberté, et par amour pour la patrie, mais aussi pour un ami.
Chant d’automne pour un monde sens dessus dessous déchiré par le ségrégationnisme qui engendre la violence.
Chant d’automne avec encore suffisamment d’altruisme pour que renaisse l’espoir d’un monde meilleur où les saisons n’auront plus à rougir du sang des innocents.
Chant d’automne pour une étoile de tissu jaune cousue sur le cœur de millions d’êtres humains ! Une étoile jaune comme le blé éclaboussé de sang.
Chant d'automne d’une époque foulée sous la botte d’un envahisseur sans foi, ni loi.
Chant d’automne pour tous ceux dont c’est la dernière saison qu’ils emporteront au fond de leurs pupilles dilatées, la fin d’un trop long voyage peuplé de stupres.
Chant d’automne pour moi qui suis née dans la clandestinité d’une alcôve silencieuse, et qui me suis accrochée à la vie de toutes mes forces. Provocation ou riposte. Défi à l'égard de dame faucheuse qui aurait pu nous faire tous trébucher au fond d’une nécropole fraichement creusée.
Chant d’automne racontant l’histoire d’un peuple qui depuis l'aube des temps est exécré, pourchassé, exterminé.
Chant d'automne, pour des minorités non assimilées ainsi que pour plus de six millions d’êtres humains effacés de la carte du monde par une armée de criminels despotiques.
Chant d’automne pour entendre jusqu’à la fin des temps dans chaque feuille mordorée les cris de tous ceux qui sont tombés entre les mains ensanglantées de la barbarie nazie.
Chant d’automne pour toute ma famille qui a eu la chance d'en connaitre d’autres dans la sérénité de la paix retrouvée.
| |
|
|
|
|
|
|
|
PAR MON SILENCE ENVERS MES FRERES D’OUTRE-MER
22/09/2011 15:41
Par mon silence je suis responsable de ta souffrance mon frère d'outre-mer. Oui, je porte la responsabilité de n’être pas intervenu d’une manière ou d’une autre pour te venir en aide. Tu dois savoir, mon frère, mon ami d’outre-mer que tes blessures sont aussi les miennes parce que je n’ai rien fait pour les éviter. J'ai détourné mon regard de toi, et me suis lavé les mains de ce qui t’arrivait comme le fit jadis Ponce Pilate en livrant Jésus à ses bourreaux ! J'aurai pu crier la face levée vers le ciel, arrêtez, arrêtez ces massacres, cessez d’affamer une partie de la planète pour que l’autre puisse se gaver à satiété ! Mais je me suis tue, et cela non pas par indifférence, mais uniquement par lâcheté. Alors comment peux-tu croire que je t’aime, mon frère d’outre-mer, et pourquoi me ferais-tu confiance à présent ? Pendant si longtemps tu n’as représenté qu’un simple fait divers inscrit à la dernière page des quotidiens ou subrepticement entrevus au journal télévisé. Je suis aussi coupable que les colonisateurs ou les multinationales qui s’installent chez toi comme s’ils étaient chez eux. J’étais au courant de leurs exactions, mais j’ai préféré pleurer sur mes petits malheurs plutôt que de t’ouvrir mon cœur, plutôt que de te tendre la main. Mais plus encore, je me sens aussi fautive que ceux qui ne lèvent pas le petit doigt pour ne serait-ce qu’alléger tes conditions de vie. Par mon silence, je me suis détournée de toi, mon frère d'outre-mer, et aujourd'hui je voudrais te faire croire que je t'aime, non mais quel orgueil ! J'aurai pu au moins faire entendre ma voix afin de la mêler à la tienne de manière à ce que tu te sentes moins seul. Mais une fois encore je n’en ai rien fait bien trop occupée à démêler les fils de ma misérable existence. Alors, dis-moi, mon frère d’outre-mer, comment aurais-je pu intervenir en ta faveur, aller vers toi, et te serrer dans mes bras comme l'aurait fait une sœur ! Aujourd'hui, je plaide coupable pour non-ingérence dans la détresse de mes frères dispersés dans le monde, pour tous ceux qui meurent en silence dans l’indifférence. Il m'aura fallu du temps, beaucoup de temps pour réaliser le peu de place que j'occupais au cœur de ce monde par rapport à vous tous, mes frères d'outre-mer.
Mais si aujourd’hui je peux faire amende honorable envers vous en parlant de vous haut et fort, alors peut-être me pardonnerez-vous pour mon si long silence, mes frères d’outre-mer.
| |
|
|
|
|
|
|
|
NOUS LES ENFANTS D’ÉMIGRÉS
22/09/2011 15:31
Sempiternels voyageurs d'un monde sans cesse en mouvement, les émigrés ces gens venus d’ailleurs s’installent là où ils peuvent, là où l’on veut bien d’eux ! Chassés de chez eux par les guerres, et la misère, certains sont devenus apatrides, ils bravent tous les dangers, parfois la mort afin de pouvoir vivre ici où là. Leur vie est un long combat contre l’oubli de leurs origines à travers l’éducation. Leur seule crainte est qu’avec le temps ne s’éteigne l’histoire de ce qui est leur essence depuis des générations. Mais contre cela, ils sont démunis hormis l’espoir que si cela se produit, que ce soit le plus tard possible. Et nous, qui sommes-nous donc vraiment, nous les enfants d’immigrés nés sous des cieux étrangers à notre lignée, des citoyens à part entière ou bien des moitiés de ceci, et de cela ? Je revois les yeux de mes parents s’illuminer quand ils parlaient de leur pays bienaimé, de cette terre de laquelle chacun de nous puise son identité, et sa force spirituelle. Que sommes-nous donc devenus, nous les enfants d’immigrés éparpillés sur la planète comme des graines disséminées sous la force de vents mauvais. Des étrangers dépossédés de la sève originelle parlant la même langue, mais pas le même langage. Et nos enfants, ces descendants d’une lignée enracinée dans un ailleurs qu’ils ne connaitront jamais, arriveront-ils à se retrouver, à se situer ? Qui donc dans les générations suivantes saurait raconter, le soir à la veillée, les histoires joyeuses ou tristes d’un lignage venu d’ailleurs ? Je me pose la question parce qu’un jour, mon petit-fils d'origine paternelle malaisienne m’a dit :
"Je suis un enfant arc-en-ciel par toutes les cultures qui bouillonnent en moi, mais j’espère qu’un jour viendra, il me sera possible de savoir enfin qui je suis vraiment."
Le métissage est certes une source de richesse extraordinaire, mais être un peu de partout sans être réellement de quelque part n’est pas toujours facile à gérer.
J’ai passé une grande partie de ma vie à chercher à me situer, partagée entre mes lointaines racines, et celles dont j’avais hérité par la force des choses. Il m’aura fallu accomplir un long voyage à travers le temps pour finalement me reconnaître comme étant citoyenne d'un monde multiculturel, mais aussi uni culturel par ma nature humaine.
Chaque pays à son histoire. Mais que deviendrait-elle au fil du temps s’il n’y a plus personne avec qui la partager ?
| |
|
|
|
|
|
|
|
FUGUE PAR UN SOIR D’HIVER
22/09/2011 15:11
Moi, le Moulin de Senlis fut érigé sur la demande de Charles de Budé, seigneur de la commune d'Yerres en l'an de grâce mille quatre cent cinquante-six. Durant quelques décennies, j’accomplis mon œuvre auprès des meuniers de la région montgeronaise, jusqu’à ce que la meunerie soit remplacée par d'autres procédés. Je n’avais plus de raisons d’être en tant que moulin, et devins maison de campagne. Solidement disposée sur mes fondations, j’ai survécu au temps qui féconde l’oubli bercé par le chant de l'Yerres entre nouveaux propriétaires, et abandon. Nous étions à la moitié du vingtième siècle, et je me demandais si la fin de mon règne n’avait pas sonné quand la communauté russe se porta acquéreur. Je prenais le relais de La Verdière, et c’est avec joie que j’ouvris tout grand mon portail à tout ce petit monde en quête d’un nouveau foyer. J’avais entendu parler d’eux avant qu’ils arrivent, et je me préparais à les accueillir comme mes nouveaux maîtres. Après tant de siècles d'austérité, ils allaient être un bain de jouvence, et en retour je serais pour eux le havre de paix dont ils avaient tellement besoin. Les premiers arrivés furent les plus âgés, filles et garçons réunis, et je leur souhaitais la bienvenue en leur ouvrant tout mon portail de bois supportant l’écusson de Senlis. Nous étions en été, nous allions pouvoir faire connaissance tandis qu’ils s’intègreraient à moi. J’étais plongée dans le silence depuis si longtemps que je tressaillis de bonheur quand j’entendis leurs cris, et leurs rires qui me redonnaient une seconde jeunesse. Le reste de la collectivité suivit rapidement, et pour la première fois depuis bien longtemps je sentis à nouveau la vie couler délicieusement en moi. Si vous aviez pu voir comment chacune de mes pierres absorbait cette jeune sève, vous n’en seriez pas revenu.
Dissimuler sous le vert manteau de la vigne vierge qui m’apportait la fraicheur de son ombrage, et la possibilité d’observer discrètement leurs jeux, j’en fis usage à volonté. Les vacances terminées, les enfants prirent le chemin de leurs nouvelles écoles non sans quelques appréhensions. Commencer une année scolaire dans une nouvelle école avec de nouveaux professeurs était une chose que tous redoutaient plus ou moins. Mais il y avait plus important encore pour eux, et c’était la manière dont ils seraient perçus par les autres enfants. Mais ils sauraient s’adapter, et les différences s’estomperaient au fil du temps. J’attendais leur retour avec impatience, j’avais besoin de les entendre, de les voir, et de continuellement apprendre d’eux. Ils étaient une source de fraîcheur, et de renouvellement constant, et j’eus bien vite autant besoin d’eux, qu’eux de moi. L’automne s’en était allé, et l’hiver avait installé ses frimas pour la plus grande joie des enfants, qui bien emmitouflés ne le craignait pas. Les fêtes de Noël, et le Nouvel An s’étaient déroulés comme à l'accoutumée, avec les traditionnelles lettres de remerciement aux parrains. Toutes commençant par Dear sponsor, et toutes identiques écrites sous le regard attentif des éducateurs. Ils entamèrent la nouvelle année certains avec joie, et insouciance, et d’autres dans le tourment. Tout était si nouveau pour moi que je m’installais dans une sorte d’extase statique qui embruma ma concentration. Je ne remarquais pas le comportement étrange de Marie-Claire, et de Marie-Noëlle, deux adolescentes plus tourmentées que les autres. Depuis que j’avais ouvert mes portes à mes nouveaux locataires, et malgré l’attention que je leur portais, je n’avais encore jamais vu ces deux jeunes filles ensemble. Du jour au lendemain, elles ne se quittaient plus, communiquaient à voix basse, et se séparaient au bout de quelques chuchotements. Heureusement pour moi, j’avais des yeux presque partout, et je pouvais être avec chaque enfant presque continuellement. C’était bien pratique, mais fort accaparant pour de si vénérables pierres, et il m’arrivait parfois de perdre un peu de ma vigilance. À un moment donné, je délaissais Marie-Claire, et Marie-Noëlle, et concentrais mon attention sur d’autres petits. Tout ça pour vous dire que je n’ai rien vu venir, et que j’en fus pour mon compte lorsque j’appris qu’elles avaient pris la clé des champs. Cela s’était passé au début du mois de janvier mille neuf cent cinquante-quatre, un samedi alors que tous mes pensionnaires profitaient d’un repos bien mérité, moi y comprise. Les deux demoiselles avaient alors furtivement traversé la cour, ouvert la porte attenante à mon portail, et s’étaient évanouies dans la nuit. Quand je repense à cette histoire je ne me sens pas vraiment fier, mais même en admettant que ces deux petites ombres aient attiré mon attention, qu’aurais-je bien pu faire pour les arrêter ? Le lendemain matin, Hélèna Vladimirna, l’éducatrice des grandes, et des moyennes pénétra dans le dortoir qu’elle ne fut pas sa surprise en constatant qu’il manquait deux fillettes. Elle resta quelques secondes bouche bée devant leurs lits à peine défaits, se rendit dans le cabinet de toilette espérant les y trouver, puis revint livide dans le dortoir. Elle réveilla les petites avec tant de détermination dans la voix qu’elles émergèrent de leur sommeil comme mû par un ressort. Hélèna Vladimirna s’en voulut de ce brutal réveil, mais elle était dans un tel état de stress qu’elle n’avait pu contrôler le son de sa voix. Les brumes du sommeil estompées, les fillettes suivirent des yeux les directions qu’elle leur indiquait, les doigts pointés en direction des lits vides. Un ange passa dans un imperceptible bruit d’ailes, puis réalisant la situation, elles ne surent quoi dire, et regardèrent Hélèna Vladimirna ébahie. Il était clair qu’aucune d’elles ne lui apprendrait quoi que ce soit, et elle tourna les talons en leur disant de s’habiller en silence. Elle ouvrit toutes les portes des grandes, les rassembla dans le couloir, et leur apprit la disparition de Marie-Claire, et Marie-Noëlle. Elle allait leur poser la même question qu’aux moyennes, mais s’abstint en voyant l’étonnement poindre sur leurs visages. Désespérée, elle les laissa se préparer, et rejoignit l’éducatrice des petites qui se trouvait au premier étage. Lorsque celle-ci la vit, le chignon en bataille, le visage livide, et la peur au fond des yeux, elle la fit asseoir craignant qu’elle ne fasse une crise cardiaque. Les petites averties de sa présence l’entouraient sans rien dire, et leur éducatrice allait les renvoyer quand Hélèna Vladimirna retrouvant la parole, leur demanda si elles savaient quelque chose de particulier sur les deux fugueuses. Même étonnement que chez leurs aînées, même silence pesant, la coupe était pleine, et la peur au ventre, elle se leva en disant à l’éducatrice de la rejoindre dans le réfectoire. Nous devons prendre tous ensemble les décisions qui s’imposent, et prévenir mademoiselle Zernov. Une fois le personnel réuni dans le réfectoire, et la fugue des jeunes filles devenue officielle, ils se concertèrent sur ce qu’ils devaient faire. Où pourrions-nous commencer nos investigations sinon auprès des employés de la gare, suggéra l’un d’eux. Ils sont probablement les derniers à les avoir vus, et nous saurons au moins si elles étaient seules ou accompagnées d’un adulte. Tout le monde acquiesça, et c’est le père Igre, le seul à être motorisé, qui se chargea de cette mission.
Pendant ce temps, Boris Borisiakovitche, le mari d’Hélèna Vladimirna qui s’occupait de la comptabilité, et autres affaires courantes, contacta mademoiselle Zernov. Cette situation extraordinaire étant une première dans les annales du pensionnat était d’une importance capitale pour sa survie. Si cette histoire ne se terminait pas au mieux, il y avait fort à parier que l’avenir des autres enfants prendrait des directions peu souhaitables. Tout le monde était d’accord sur un point, c’était celui que ces demoiselles avaient rejoint leurs familles respectives. Ceci dans l’optique qu’il n’y eut pas de personnes étrangères mêlées à cette affaire, et il ne faudrait pas longtemps à mademoiselle Zernov pour le savoir. Le père Igre avait fait l’aller, et le retour en deux tours de roue de sa moto sans déraper sur la neige, et revint bredouille. Les employés du guichetier au chef de gare, personne ne se souvenait les avoir vus. On aurait dit qu’elles s’étaient volatilisées sur cette route entre le Moulin de Senlis, et la gare de Montgeron. Il ne restait plus qu’à prier, et attendre la venue de mademoiselle Zernov avec tout ce que cela comportait d’appréhension. Chacun donnant son avis sur cette étrange affaire, tout le monde fut d’accord sur deux possibilités en écartant celle de la présence d’une tierce personne. La première était que Marie-Claire, et Marie-Noëlle n’ayant pas de billets aient profité de l’obscurité pour monter dans le train en évitant de passer par la gare. Et la seconde, qu’elles avaient acheté leurs billets un peu avant, ce qui expliquerait pourquoi le guichetier ne les avait pas vus. C’est sur cette note plus optimiste que les éducateurs avaient rassemblé leur petit monde pour le déjeuner. Ce fut bien la première fois qu’un repas se passa aussi silencieusement en temps normal il y avait toujours quelqu’un pour mettre de l’ambiance. Après le personnel, les plus concernées par cet évènement étaient les filles qui se trouvaient sous l’autorité d’Hélèna Vladimirna. Grandes ou moyennes, elles se connaissaient toutes suffisamment bien pour se sentir concernées par cet évènement. Mais après mûres réflexions, certaines se souvinrent que leurs deux compagnes avaient eu un comportement inhabituel, mais qui sur le moment ne les avait pas surprises. Elles leur avaient vendu quelques petites choses, et notamment des timbres dont certaines faisaient grand usage. Tout le monde y trouvant son compte, personne ne se posa de questions. Maintenant, elles savaient à quoi avait servi l’argent récolté, mais comme elles se sentaient plus ou moins coupables de leur escapade, elles gardèrent le silence.
Leur petit déjeuner terminé, les enfants, seuls ou en petits groupes s’éparpillèrent. Les uns regagnèrent leurs chambres, et les autres s'amusèrent dans la cour ou dans l'espace vert qui se trouvait entre la maison des filles, et celle des poupons. Pendant ce temps, le père Igor, et le père Igre se préparaient à officier la messe hebdomadaire dans la elle fut réduite à sa plus simple expression. Le repas de midi se déroula sur le même tempo que celui du matin, personne n’avait le cœur à rire. Une fois leurs estomacs remplis, les groupes se reformèrent. Ceux qui attendaient des visites restèrent dans la cour ou installer sur les rebords des fenêtres, et les autres allants, et venants comme des âmes en peine. Les parents arrivaient les uns après les autres, chacun étant aussitôt mis au courant de la situation. L'après-midi était bien avancé quand mademoiselle Zernov pénétra dans la cour au volant de sa deux-chevaux. Elle se gara à sa place habituelle, c’est-à-dire devant le bureau, puis extirpant aussi dignement que possible sa longue personne de ce petit habitacle, elle ouvrit la portière arrière. Nos deux compagnes sortirent à leur tour, et semblaient plus mortifiées que repentantes. Encadrées par tout le personnel, elles pénétrèrent dans le bureau tandis que nous restions aux abords essayant de les apercevoir par la fenêtre. Elles racontèrent comment elles s’étaient procuré l’argent pour acheter leurs billets de train, et deux tickets de métro, pointant du doigt les filles qui les avaient inconsciemment aidés. Mademoiselle Zernov les avait récupérés chez la grand-mère de Marie-Claire, Marie-Noëlle pour d’obscures raisons ne s’étant pas rendues chez ses parrains. L’histoire se terminait bien même si les deux adolescentes pensaient le contraire. Elles furent confinées dans le dortoir pour le restant de la journée. Quelques heures s’étaient écoulées depuis qu’elles avaient déserté mes murs en catimini, et déjà la vie reprenait son cours. Une page supplémentaire de mon histoire était tournée jusqu’à ce qu’un autre de mes petits locataires prenne à son tour la poudre d’escampette
| |
|
|
|
|
|
|
|
AUX ENFANTS D’ÉTHIOPIE
21/09/2011 21:16
Qui se souvient encore des enfants d’Éthiopie ? Ont-ils seulement laissé la moindre trace de leurs souffrances dans nos mémoires ? Auront-ils un jour droit à une page dans nos livres d’histoire, dans l’encyclopédie universelle afin que quelques-uns parmi nous se souviennent ? Qui se souvient de ces prises de vues montrant des enfants aux ventres ballonnés, aux yeux grands ouverts sur les portes de l’enfer ? Aucun d’eux n’a eu la possibilité de devenir adulte, aucun d’eux n’a su ce que s’endormir le ventre plein veut dire, car tous sont repartis comme ils étaient venus ! Affamés, disproportionnés, sans énergie pour hurler, sans voix pour demander pourquoi. Pourquoi subissons-nous autant de cruauté, et d’indifférence alors que nous ne demandons que ce qui est dû à tout être vivant ? Ne sommes-nous pas également des maillons de la chaine humaine, d’un continent sans qui l’univers serait bancal ? Qui parmi les nations nanties, les ventres pleins, et les yeux remplis de suffisance a répondu à nos questions ? Sommes-nous quantité si négligeable pour ne venir au monde que le temps de mourir de faim ? Nous avons déjà par le passé fermé les yeux sur tant d’injustices, d’ignominies, que nous avons perdu le sens de du partage équitable de l’essentiel. La survie de l’humanité est entre nos mains, alors, mes frères, faisons preuve de plus d’empressement pour la préserver, parce que de la vie des uns dépend de celle des autres ! Si cela n'est pas évident pour une majorité d'entre nous alors, préparons-nous à disparaitre ! Nous ne sommes plus qu’à quelques coudées de l’ère du Verseau, le Jardin d’éden terrestre annoncé, mais je me demande si l’humanité ne sombrera pas dans le chaos avant. Je n’ai pas la réponse, mais je continue à espérer que nous allons nous réveiller de ce cauchemar, et donner une seconde vie à notre univers.
| |
|
|
|
|
|
|
|
AÏDA, FEMME DU SÉNÉGAL
21/09/2011 21:01
Un prénom doré, et chaud comme le soleil sénégalais, et une histoire, la sienne, celle de son peuple. Aîda, une femme en exile sur la terre de France, loin, si loin de tout ce qui lui est cher, de ce qui fait d’elle quelqu’un de très particulier. Quand le mal du pays est trop lourd à porter, elle chante à tue-tête pour ne pas pleurer, et si elle verse des larmes celles-ci deviennent interrogation. Le continent africain est-il voué à voir partir ses enfants, et à ne les accueillir que pour mieux les perdre à nouveau ? C’est l’éternel combat entre le pot de fer, et le pot de terre, entre ceux qui produisent, et ceux qui profitent. Mais Aïda était une force de la nature, une flamme multicolore qui embrase la grisaille, la transforme, la fait vibrer. J’ai connu Aïda dans un centre de formation professionnelle où j'occupais le poste d'hôtesse d’accueil. Aïda était responsable de l’entretien des locaux, et prenait ses fonctions en fin d’après-midi alors que j’étais sur le point de partir. Lorsque nous nous croisions, nous échangions un sourire, un petit signe de la main avant de poursuivre notre route. Mais un jour où je m’attardais un peu, Aïda prit l’initiative de s'installer sur la chaise réservée aux visiteurs, et engagea la conversation comme si nous étions de vieilles connaissances. Nous ne le savions pas encore, mais une grande amitié venait de naitre entre nous. Désormais, peu importerait l’espace ou le temps qui nous sépareraient, nous avions tissé un lien indéfectible d’amitié. À partir de ce jour, si je regardais l’heure, ce n’était plus dans l’impatience de rentrer chez moi, mais dans celle de voir arriver mon amie, ma sœur !
Aïda ! Une émouvante, mais non moins tragique histoire d'amour entre une princesse éthiopienne devenue esclave de pharaon, et l'un de ses officiers, Radâmes. Ce dernier ayant trahi sa patrie par amour pour elle, ils furent ensevelis vivants côte à côte !
Mon amie Aïda n'est pas une princesse, et le Sénégal n'est pas l'Éthiopie, mais pour moi sa lignée n'a rien à envier à celle des grands de ce monde.
| |
|
|
|
|