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DES MOTS SANS RIMES NI RAISON.
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DES MOTS SANS RIMES NI RAISON.

VIP-Blog de maurina
nathalie.elkine@sfr.fr

  • 52 articles publiés
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  • 1 visiteur aujourd'hui
  • Créé le : 21/09/2011 19:05
    Modifié : 21/05/2013 11:34

    Fille (71 ans)
    Origine : FRANCE
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    [ MOTS DU COEUR ] [ PHOTOS ] [ MOTS D'AMOUR ] [ PENSEES ] [ PUBLICATIONS ] [ FACEBOOK ]

    COMPLAINTE POUR UN AMOUR

    27/09/2011 09:25

    COMPLAINTE POUR UN AMOUR


     

     

    Où es-tu mon petit prince oiseau bonheur,

     

    As-tu refait ton nid ailleurs ?

     

    Sur une autre galaxie,

     

    Dans une autre vie ?

     

    Je suis l'aveugle qui voit avec son cœur,

     

    Qui lutte contre l’oubli, contre le temps qui se meurt.

     

    Je suis celle qui entend du bout des doigts,

     

    Qui invente des mots seulement pour toi.

     

    J'ai marché sur les routes solaires,

     

    Ai été à ta rencontre sur les chemins lunaires,

     

    Fais partie de tes rêves, de ta réalité aussi.

     

    Souviens-toi, aimé, je comptais dans ta vie.

     

    Je t’ai chanté sur le piano de mes nuits solitaires,

     

    Je t’ai inventé parfois, recréée souvent

     

    Mais jamais n’ai pu oublier ton nom que chante le vent.

     

    Lorsqu’au lever du jour j’ouvrais les yeux sur ton absence

     

    Je reprenais ma quête d’amour afin d’éviter la désespérance.

     

    Puis par un soir de pleine lune, louve je suis alors devenue,

     

    Et face à elle, j’ai hurlé ton nom jusqu’au fin fond des nues.

     

    Penses-tu encore à moi, l’aveugle qui voit avec son cœur,

     

    Qui entend du bout des doigts les mots bonheur,

     

    Les phrases lumières qui épanouissent l’esprit,

     

    Et deviennent des phares éclairant la nuit.

     

    Reviens-moi, mon oiseau de nuit dans une troupe d’acteurs.

     

    Mon petit prince oiseau bonheur.

     

    Je t’attends dans le bruit de ma vie,

     

    Mais aussi dans le silence de mes nuits.

     

    Allons jusqu’au bout de notre chemin

     

    Comme autrefois, main dans la main.

     

    Retraversons Paris jusqu’au pont Mirabeau,

     

    Et bien installés écoutons chanter son eau.

     

    Retrouvons Guillaume Apollinaire, ce poète que tu aimais tant

     

    Et avec lui, regardons couler la Seine, et avec elle le temps.

     






    HISTOIRE DU TEMPS PASSE

    27/09/2011 09:00

    HISTOIRE DU TEMPS PASSE


     

     

    Le temps d’un soupir, d’une larme furtive sur le visage d’un enfant, et pour une étoile celui de s’allumer, et de mourir dans l’indifférence du monde. Le temps qui est pressé parce qu’il n’a pas le temps de prendre son temps afin de pouvoir souffler un peu. Le temps qui se moque bien d’une petite fille qui espère gagner du temps afin de pouvoir parler à son père avant qu'il ne la quitte. Elle voudrait qu’il soit encore temps de remettre les pendules à l’heure du temps d’autrefois quand elles marquaient le temps-bonheur ! La grande aiguille des heures du temps passé s’affole, et chevauche la petite aiguille des minutes d’éternité, mais c’est peine perdue. L’espoir n’est pas au rendez-vous parce qu’il a d’autres chats à fouetter, et que ce qui est fait est fait ! Un jour un poète implora le temps de suspendre son vol, mais ce dernier ne prit pas le temps de l’exaucer, et il s’en fut à tire d’ailes. Il est temps de partir, de faire mes adieux à mon univers d’enfant parce qu’il est temps de continuer ma route. Je songe aux saisons à venir, aux étés flamboyants qui céderont la place aux automnes ocre, et rouille. C’en est fini de mes rires cristallins, de mes jeux osselets-marelles qui me menaient au ciel. Les dés sont jetés sur le tapis multicolore du temps passé. Je déserte la rue Pigalle, encore un dernier coup d’œil sur cet instantané de vie qui prend place dans l'album de ma mémoire, et tout est dit. Maman tenant nos petits paquetages d’une main, et de l’autre Jacques, marche d’un pas pressé. Je le regarde trottiner sans se poser de questions, et j’envie un peu son insouciance, et sa joie de vivre. Nous avons entamé les premiers mètres de la rue Fontaine, encore quelques coudées, et nous atteindrons le métro Notre-Dame-de-Lorette. Je ne suis plus que hurlements intérieurs, et ma petite voix me suggère de retourner chez moi. Juste quelques minutes, me dit-elle, le temps d’un dernier face à face avec ta vie. Alors, je joue mon va-tout, et dit à maman que je voudrais changer ma poupée contre un baigneur. Elle me regarde son beau, et si triste regard noisette, et voyant mon visage baigner de larmes, s’incline. Elle me donne la clé en me disant de faire vite parce que nous ne sommes pas en avance. Tu sais bien que mademoiselle Zernov nous attend à la gare d’Austerlitz, et il serait indécent d'arriver en retard. Je suis déjà loin quand elle finit sa phrase, j’ai des ailes, merci Bon Dieu pour ce répit d’adieu qui fera partie de ce que je n’oublierais jamais. Je suis de retour chez moi pour une poignée de minutes, et après avoir grimpé les trois étages, j’introduis la clé dans la serrure. Quand on la tourne, elle émet un petit bruit métallique, sa manière à elle de dire bonjour ou revoir, et dans quelques instants, exceptionnellement adieu. À cette époque j’ignorais l’adage qui disait que l'on se rendait compte de l’importance des choses que lorsqu’on les avait perdues ! Une fois à l'intérieur, l’effluve du parfum de maman, m’envahit à m’en faire perdre la tête. Je le respire à grandes goulées, m’en imprègne. Et comme tout ce que je ne veux pas oublier, je le fais mien, et le range à son tour dans le secret de ma mémoire. Puis je m’effondre sur le grand lit sur lequel j’ai passé tant de nuits où j’ai fait tant de rêves, et laisse échapper tout le poids de ma détresse. C’est la dernière chose que cette pièce qui n’est déjà plus la mienne emportera de moi elle qui avait recueilli mon premier cri neuf ans et demi plus tôt. Puis, je me relève, et parcours d’un long regard tout ce qui avait composé mon cadre de vie, mes grands bonheurs, et mes petits chagrins. Je les photographie de l’intérieur, les range dans un coin de ma tête afin de pouvoir les ressortir les jours de gros orages. Tout est joué ! Je referme la porte, et je rejoins maman, et Jacques qui m’attendent là où je les avais laissés. Elle me regarde en silence, scrute le moindre mouvement de mon visage qui lui indiquerait que je vais plus mal qu’elle ne le pense. Elle se dit qu’elle va glisser un ou deux mots à mademoiselle Zernov afin que l’on veillât sur moi un peu plus attentivement. Nous sommes arrivés au métro, et Jacques qui ne perd jamais une once de sa gentillesse me prend par la main et nous entreprenons notre descente aux enfers.

     






    COMPATIR SANS AGIR

    26/09/2011 12:45

    COMPATIR SANS AGIR


     

     

    Combien de temps encore allons-nous faire semblant de voir, et d’entendre seulement ce qui nous intéresse reléguant les famines, et autres maux dont souffre l’humanité ? Oh ! Nous compatissons lorsque nous avons le ventre plein, et que nous entendons parler des autres, de ceux qui meurent de faim, de ceux qui manquent d’amour. Allons-nous continuer à devenir sourds, et aveugles chaque fois qu’un enfant meurt de faim, de désamour, d’indifférence ? Ne serait-il pas temps de nous demander si chaque femme brutalisée, dupée, violée aujourd'hui n'est pas celle que nous serons demain ? La solitude dans laquelle meurent nos ainés, et le déni du rôle qu'ils ont joué dans nos vies ne comptent-ils pas pour chacun d’entre nous ? N’avons-nous pas été leurs enfants, leurs petits-enfants, et ne serons-nous pas à notre tour également courbés sous le faix de la vie un jour  ? Quand une guerre éclate, qu’un conflit se cristallise, ne sommes-nous pas concernés par notre filiation humaine  ? Les frontières sont des sas créés par les hommes, alors pourquoi n’en feraient-ils pas des portes ouvertes sur l’univers, et non des entraves à la communication entre les hommes ? Quand donc aurons-nous le courage de sonder en notre âme et  conscience ce que nous sommes devenus  ? Quand donc allons-nous faire le bilan de nos manquements qui nous relèguent nous aussi au rang de sous-hommes ? Je ne le sais pas, mais cela ne m'empêchera pas de crier haut, et fort que je suis également cet enfant aux yeux exorbités de souffrance, et au ventre ballonné par la faim ! Que je suis aussi cette femme excisée, humiliée, ou ce vieillard abandonné, renié, marchant à petits pas compté vers les rives de l’au-delà ! Le cœur ne connait aucune nationalité, alors je suis aussi Serbe, et Kosovare, Arabe et juive, jaune, et noire avec un zeste de blanc, et pour résumé arc-en-ciel ! Qu’importe si je prie dans une église ou dans une mosquée, dans une synagogue ou tout simplement là où je me trouve ! Cela fait-il de moi quelqu’un de différent qu’il faut exterminer ? Comment ne pas éprouver la douleur d’un enfant, d’un homme qui saute sur une mine sans se dire, et si c’était moi ou mon enfant. 

     

     

    C’est de toi, de lui, de nous tous que je parle, de cette formidable chaine qui a pour nom humanité ! Que faisons-nous pour que notre planète, notre monde prospèrent non pas au profit d’une minorité, mais à celui de l’univers ? N’oublions pas, que nous le voulions ou non, que la terre est le seul endroit dans lequel l’homme peut vivre. Alors pourquoi les mieux, et les plus nantis ne prendraient-ils pas en compte les plus vulnérables, les laisser pour compte, dans le partage des biens de ce monde  ? La question est posée depuis la nuit des temps, mais personne encore n’a pris le temps de chercher la réponse.

     






    LA VERDIERE

    26/09/2011 12:27

    LA VERDIERE


     

     

    Je me souviens de cette grande maison de briques rose surplombant une pelouse qui descendait en pente douce jusqu’au jardin potager. Parallèlement au portail se tenait entre une table taillée dans la pierre provenant probablement de la carrière voisine. Entourée par deux bancs, elle semblait vous inviter à un goûter champêtre. C’était, en vérité, une bien belle demeure à qui les siècles avaient donné un lustre de sérénité, et qui ravissait le cœur de mademoiselle Zernov. Le jour ou Jacques, et moi, installés à l’arrière de sa deux-chevaux brinquebalante arrivâmes, elle nous ouvrit la porte avec ostentation, un petit sourire aux lèvres. Cette propriété sur laquelle elle avait les pleins pouvoirs faisait ressortir la chaleur humaine qu’elle se gardait bien d’extérioriser. Oh ! Bien sûr, je ne me suis pas aperçue tout de suite de ce point de sa personnalité, mes préoccupations étant d’un tout autre ordre. Contrairement à elle, je détestais tout ce que voyais, elle y compris. Tous les châteaux du monde n’auraient pu remplacer le foyer que Jacques, et moi venions de quitter, et je resterais relier à lui corps, et âme. Une toute petite maison pleine d’amour ne pouvait être remplacée par une grande remplie de vie, certes, mais à qui il manquerait toujours pour chacun de nous la présence parentale. Une fois sortis de la voiture, mademoiselle Zernov ouvrit la marche, et Jacques, et moi la suivîmes en trottinant. Toujours dans le même ordre, nous gravissions les marches du perron quand il me sembla entendre ces dernières ricaner. La douleur est parfois sujette à quelques bizarreries, dont celle de prêter une voix à des marches de pierre. Surprise, je ralentis légèrement mon allure, et tendis l’oreille, et voici ce que je crus entendre :

     

    " Soyez les bienvenus au royaume du désespoir, mes chers petits. Vous allez entrer dans une grande salle pleine de jeunes filles rieuses, mais ne vous fier pas aux apparences, le rire est parfois le meilleur moyen de ne pas pleurer. Longue vie à La Verdière ! "

     

    C’est sur ce dernier mot articulé par des marches en pierre que nous pénétrâmes dans la grande salle où se tenait un groupe de jeunes filles.

     

     Toutes uniformément vêtues d’une robe en feutrine bleue, elles se tenaient sur le côté gauche d’un piano sur lequel un vieil homme aux mains noueuses jouait. Elles répétaient les chants liturgiques pour la célébration des fêtes de Pâques selon le rite orthodoxe. À notre arrivée, elles se turent, et le vieil homme qui tournait le dos à la porte fit entendre encore quelques notes avant de se retourner. Quand il vit mademoiselle Zernov, il se leva de son siège comme mû par un ressort, et vint lui baiser la main. C’était la première fois que je voyais ce genre de salut, et pendant un bref instant je crus être dans un asile d’aliénés. La répétition était terminée, les jeunes filles firent cercle autour de Jacques, et moi, et tous sourires dehors elles nous inspectèrent de la tête aux pieds. Retenant mes larmes à grand-peine, mon baigneur serré contre mon cœur, et la main de Jacques dans la mienne, nous restâmes impassibles. Après nous avoir présentés, mademoiselle Zernov s’était rendue dans le bureau de la sous-directrice, et le vieil homme dont on avait plus besoin s’en était allé. Les deux femmes nous rejoignîmes, et mademoiselle Zernov fit à nouveau les présentations. La sous-directrice était plus jeune, et plus chaleureuse que cette dernière, mais j’étais bien décidée à ne pas me laisser amadouer par quiconque vivant sous ce toit. Maya, une des grandes filles fut désignée pour me montrer ma chambre, et me faire visiter la maison. J’allais la suivre sans lâcher la main de Jacques, mais mademoiselle Zernov me dit :

     

    " Irina (La Verdière étant la représentation de la sainte Russie, Irène était devenue Irina, et Jacques Yacha), ici, c’est la maison des tout petits, et Yacha qui va aller à l’école va vivre Au Vieux Logis avec les autres garçons. "

     

    Je repensais à ce que les marches du perron m’avaient dit ou tout du moins à ce que j’avais cru entendre, et les sanglots que je retenais depuis si longtemps fusèrent. Maya se détacha du groupe, et me prenant par la main m’entraina vers les escaliers. Je me retournais vers Jacques, mais le cercle des filles s’était déjà refermé sur lui, et je m’accrochais de toutes mes forces à mon baigneur. Maya me montra ma chambre, puis elle s’arrêta devant une pièce occuper par une vieille dame qui l’interpella, nous rentrâmes. Celle-ci était assise sur un fauteuil roulant, et nous fit signe d’approcher, puis s’adressant à Maya en russe, elles échangèrent quelques mots. Ensuite, elle s’adressa à moi, mais comme je ne pus lui répondre elle me foudroya du regard, prenant alors mes jambes à mon cou je courus vers les escaliers.

     

    Maya aux trousses, je déboulais dans la grande salle, et me frayant un passage dans le cercle, je rejoignis Jacques sous le regard étonné de l’assistance. Mademoiselle Zernov surprise demanda à mon guide ce qui s’était passé qui me mettait dans un tel état, et lorsque Maya lui eut raconté les faits, elle resta silencieuse. Puis regardant l’heure, elle me dit qu’il était temps pour Jacques de découvrir son nouveau lieu de vie. Mais, ajouta-t-elle, ne sois pas inquiète, ce n’est qu’à une dizaine de minutes d’ici, et comme c’est les vacances, tu pourras le voir tous les jours.

     

    Soixante ans se sont écoulés depuis, mais je me souviens de cette première journée de pensionnaire comme si je venais juste de la vivre. Les souvenirs gravés dans ma mémoire ont gardé toute leur puissance, et il me suffit de fermer les yeux pour m’y retrouver encore, et toujours. Je ne sais pas si j’ai fini par accepter ce retournement de situation qui avait fait d’une petite fille heureuse au sein de sa famille une pensionnaire à plein temps pour les six années à venir. Ce fut une période charnière de mon existence, et là où Micheline s’était enfuie, moi je ne demandais qu’à y retourner. Mais aussi fort que fût l’amour que se portaient mes parents, il était bien trop endommagé pour avoir la moindre chance de repartir sur de nouvelles bases. Ma vie en fut bouleversée, mais me rendit plus forte pour continuer ma route, et me donner les moyens de panser mes plaies en la racontant.

     

    Pour mémoire : La vieille dame en chaise roulante était la mère de l’éducatrice du groupe des moyennes auquel je fus rattachée.

     






    À MON PETIT FRÈRE ROBERT

    26/09/2011 10:53

     À MON PETIT FRÈRE ROBERT


     

     

    Ce que je vais vous raconter se déroula lors d'un de ces indescriptibles jours, un de ces impondérables demain ! Dans une salle d’hôpital, un petit berceau de fer-blanc équipé d’une tente à oxygène. Sous ce dôme de plastique, un tout petit enfant de huit mois qui lutte contre la maladie. Il s’appelle Robert, mais nous le surnommons Bob, sans doute en souvenir des libérateurs américains pour qui ma mère avait une grande reconnaissance. Il faut dire que nous étions en mille neuf cent quarante-huit, trois ans seulement après la signature de l’armistice. C’est la mise à l’épreuve de la mort, la vie mise en péril par la maladie narquoise qui vous laisse entendre qu'elle qu’à ce jeu elle est toujours gagnante. C’était le combat d’un tout petit garçon resplendissant de vie quelques heures plus tôt, c’était l’ombre de la mort qui planait au-dessus du berceau de fer-blanc ! Mes parents avaient traversé la guerre en funambules sur le fil de la vie, sur celui de la mort ! La vie avait été de notre côté, et nous sortîmes indemnes de ce cauchemar ! C’était si réconfortant que nous avions replongé à corps perdu dans la vie, et l’avions célébré en accueillant Jacques, et Robert parmi nous. Deux magnifiques petits garçons roses, et ronds à qui tout semblait sourire. Mais le bonheur n’est pas un dû, il a un prix correspondant à ce qu’il nous donne ! Pour six vies offertes, il allait en reprendre une, et anéantir notre famille. Certes, notre existence partagée entre vaches grasses, et maigres n’est pas au summum de la joie, mais c’est probablement notre karma, celui que nous avons créé de toutes pièces lors de nos précédents voyages. Alors, nous faisons avec lui sans nous plaindre jusqu'au moment où de six nous passons à cinq. Le vent tournait, la boussole de notre existence perdait le nord, et plus jamais ne le retrouverait ! À l’hôpital Lariboisière, un petit garçon de huit mois respire par l'intermédiaire d'un tuyau rempli d’oxygène parce que ses poumons affaiblis n’assurent plus leur rôle. Une petite fille de six ans passe la majeure partie de son temps auprès de lui, elle est là pour tous les autres qui ne le peuvent. Elle ne pense pas à la mort parce qu'elle ignore sa signification, mais la maladie elle connait, et pour la première fois elle rend grâce à celle qui lui permet d’être là.

     

    Alors, même si pour Robert la situation est plus compliquée, elle reste confiante, et l’imagine babillant dans son beau landau anglais sous le regard attendri de leur mère. Elle lui dit de ne pas s’inquiéter parce qu’il allait bientôt rentrer à la maison ! Il lui sourit comme s’il comprenait ce qu’elle lui dit, et tend ses petits bras vers elle, vers ce toit en matière plastique qui les sépare. Puis un jour elle le voit partir ! Des infirmières poussent son berceau hors de la salle tout en la rassurant afin d'effacer la peur qu'elles lisent au fond de ses yeux. C’est la première fois depuis qu’ils sont hospitalisés qu’ils sont séparés, et elle veut le retenir encore un peu, juste un tout petit moment. Mais les infirmières continuent de lui arracher le cœur en l’entrainant vers la sortie, vers le bloc opératoire. Alors, elle tend ses bras vers lui, elle le rassure, lui dit à tout à l’heure Robert, et il lui sourit, il lui fait des signes de la main. Elle reste devant l’entrée, le suit des yeux jusqu’à ce que la porte de l’ascenseur se referme sur lui. En regagnant son lit, elle jette un œil sur cet emplacement vide, et dit, revient vite, mon petit frère, je t’attends. Mais le temps passe sans qu’il réapparaisse, les infirmières vont, et viennent, mais aucune d’elle ne ramène Robert, elles ont tant d’autres préoccupations. Mais lorsque leurs regards croisent le sien, ils se font compatissants. La petite fille ignore depuis combien de temps Robert est parti, à six ans on ne sait pas encore lire l’heure, et puis d’ailleurs il n’y a pas d’horloge dans la salle. Mais lorsqu’elle voit qu’on met un lit à la place du berceau de Robert, elle s’inquiète, et questionne les infirmières. Certaines lui disent qu’elles ne savent pas où son petit frère se trouve, d’autres qu’il est en train de se reposer dans une chambre. Je veux seulement aller le voir, et ne ferais pas de bruit, s’il vous plaît, dites-moi où il est. Tu ne peux pas aller le voir, Irène, mais c’est bientôt l’heure des visites, et je suis sûre que ton papa saura te rassurer. Alors, elle attend que son papa vienne, et la rassure, c’est tout ce qui lui reste à faire, et elle se remet en position de guet dévisageant chaque parent. Lorsque sa silhouette s’encadre dans l’entrée, son cœur bat plus vite, enfin elle va savoir où est Robert, et tout rentrera dans l’ordre. Lorsqu’il est auprès d’elle, il la serre contre son cœur plus longtemps que d’habitude, et elle se sent si bien qu’elle pourrait rester dans ses bras toute sa vie. Mais lorsqu’il desserre son étreinte, et qu’elle le regarde, elle comprend que quelque chose de grave est arrivé. C’est dans ses yeux qu’elle voit les premiers signes de détresse parce que les petites lumières de qui s’y trouve sont moins brillantes que d’habitude.

     

     

    Puis elle voit le brassard noir qui entoure la manche gauche de son veston, et elle lui demande pourquoi il a mis ce ruban à son bras. Il s’attendait bien sûr à ce qu’elle lui pose cette question, et la rassure, et changeant de conversation lui parle de sa sortie. Je viendrais te chercher demain matin, maman, Micheline, et Jacques ont hâte de te revoir. Et Robert aussi, j’en suis sûre, lui répondit la petite fille. Il ne sait pas encore parler, mais quand il est content il bouge ses pieds, et ses jambes, et il rit. Son père l’écoute le cœur serré, et se contente de la regarder en silence. Le lendemain matin, après avoir déjeuné, et s’être laissé débarbouiller par une infirmière, elle s’habille, et pour la dernière fois guette l’arrivée de son père. Dès qu’elle le voit, elle court à sa rencontre, et se jette dans ses bras, elle est si heureuse de rentrer à la maison. Lorsqu’ils arrivent, la porte à peine ouverte elle se réfugie dans les bras de sa mère qui la retient un peu plus longtemps que d’habitude. Jacques aussi lui souhaite la bienvenue, il est content de retrouver sa compagne de jeu. Son père est resté près de la porte, il les regarde tous avec tendresse, mais il sait que ce qui va suivre sera un moment très difficile pour tout le monde. Les bras de sa mère à peine desserrés, la petite fille court vers le landau, se hausse sur la pointe des pieds, et reste pantoise, Robert n’est pas là ! Retombant sur ses pieds, elle regarde sur le grand lit, et sur le divan, mais là encore c’est la même chose, le vide. Alors, elle interroge sa mère, et ce qu’elle lit dans ses yeux est semblable à ce qu’elle avait vu dans ceux de son père. Une terrifiante douleur, un chagrin incompressible devant l’absence du tout petit, du dernier né. Jacques ne rit plus, il compatit à son chagrin, et il sait ce que leur mère va lui dire pour la rassurer. Son père regarde l’heure, et dit qu’il doit aller travailler, il esquisse un sourire qui se veut rassurant, et sort. La porte à peine refermée, sa mère l'installe sur le divan, prend une grande inspiration, et cherchant les mots qui rassurent elle lui raconte une belle histoire :

     

    " Robert était très malade, tu sais, et encore si petit pour supporter les deux maladies qui étaient dans sa tête. Les docteurs on fait tout ce qu’ils ont pu pour le guérir, mais ils n’y sont pas arrivés. Alors, l'ange qui se tenait à côté de Robert leur a dit que ce n’était pas de leur faute si Robert ne se réveillait pas. Sa place au paradis des enfants est prête, leur a-t-il dit, là-bas les enfants ne sont jamais malades, et ils s’amusent beaucoup avec les autres angelots. Ensuite, il a pris Robert dans ses bras, a ouvert ses ailes, et tous les deux ont rejoint le ciel.

     

    – Où se trouve le paradis des enfants maman ?

     

    – Quelque part, dans les nuages là où tout est calme comme dans un rêve d'enfant ! Notre Petit prince est parti pour toujours parce qu'il est trop fatigué pour rentrer à la maison. Mais toi, Irène, tu dois retrouver ta bonne humeur de petite fille, la tristesse c’est seulement pour les grandes personnes. Tu comprends ma chérie ? " 

     

    Pour toute réponse la petite fille se contenta de lever les yeux vers le ciel cherchant à apercevoir le berceau de nuage où Robert se trouvait. Mais il y en avait tant qu'il lui fût impossible de savoir sur lequel son petit frère se trouvait. Sa mère comprenant son désappointement lui dit lors :

     

    "Irène, d’ici tu ne peux pas voir Robert, mais chaque fois que tu lèveras la tête, et qu’un tout petit nuage traversera le ciel, alors tu sauras que Robert se trouve sur l’un d’eux".

     

    Le décès de son petit frère fut la première approche de la mort ! Il lui faudra grandir de quelques années encore avant de comprendre que les anges, et les nuages n’avaient rien de commun avec elle !

     

     






    À CHEYENNE, MA FELINE AMIE

    26/09/2011 09:58

      À CHEYENNE, MA FELINE AMIE


     

     

     

    Tu es là, ma belle amie, et tu me fixes de tes grands yeux dans lesquels se reflètent les ors mordorés du soleil. Tu ne dis rien parce que tu es d’une nature secrète, et que les mots ne serviraient à rien pour exprimer l’amour que tu me portes. Certains individus au cœur, et à l’imagination quelque peu réduits ne comprennent pas qu’on puisse parler avec un animal ou une plante. Nous savons pourtant que tout ce qui vit, et respire fait intégralement partie de l’univers, cet espace intemporel dans lequel nous avons emménagé. Nos petits compagnons ont su conserver au fil des siècles une sensibilité que les hommes ont plus ou moins égarée en cours de route. Cheyenne, dans quelques jours, nous fêterons nos six ans de vie commune, six années de grand bonheur mêlé d’amour, et de complicité. Pour toi, c’est presque la moitié de ta vie passer en ma compagnie, et pour moi des années dont je me souviendrais comme des instants privilégiés. Et si j’en crois ce que l’on dit au sujet du comptage des années chat, tu en connais sûrement plus sur moi que moi sur toi. Tu es une personnalité à part entière, et cela t’autorise quelques libertés félines qui échappent à mon entendement, mais que je respecte. Le jour a fait place à la nuit abyssale où se croisent météores, et comètes dans un ballet de lumière, et de chuchotements cosmiques. Les pigeons que tu aimes tant observés, assis en équilibre instable sur le rebord de la fenêtre ont regagné leur abri, et nous voilà encore une fois prêtes à nous laisser glisser vers le pays des chimères. Le soleil sera déjà haut lorsque nous nous éveillerons sur un jour nouveau, et d’autres aventures qui nous réuniront un peu plus dans la complicité de notre relation félin-humain ! Nous poursuivrons alors notre route côte à côte, telles deux amies allant à l’unisson sur les chemins de la vie. J’ai écrit ces mots pour toi il y a environ dix ans, et quelque temps après nous nous sommes envolés pour la Malaisie où hélas ! j’ai dû te laisser. Et depuis plus de six ans, je me demande ce que tu es devenue. As-tu visité Kuala Lumpur où d’autres villes caractéristiques de ce si beau pays baigné de soleil, et de paix.  As-tu mis de côté ta sauvage attitude envers les compagnons de ton espèce, et t’es-tu fait des amis avec qui t’amuser ? Je sais que ma question va rester sans réponse, comme tant d’autres d’ailleurs, mais cela fait partie de mon karma. Mon désir de te faire rapatrier ne s’est pas réalisé, mais l’amour qui me lie à toi est toujours aussi fort, et il le restera jusqu’à mon dernier souffle. À bientôt, ma féline amie, dans ce monde ou dans un autre, qui pourrais le dire ?

     



    Commentaire de ptite_ninon (09/11/2012 17:06) :

    merci un tres beau texte





    LA TRAVERSEE DE LA VIE

    25/09/2011 15:29

    LA TRAVERSEE DE LA VIE


     

     

    J’ai traversé la vie sur un radeau de fortune au gré des vents et des tempêtes non sans connaitre parfois quelques accalmies. J’ai ployé sous les bourrasques, et tanguer en équilibre instable sous les coups de semonce venues des fonds abyssaux, et ai même chaviré corps et biens parfois. Mais jamais je n’ai cessé de remonter à la surface m’accrochant à tout ce qui passait à portée de mains afin de pouvoir continuer ma route. Je me retrouvais après chaque naufrage un peu plus éclopée de l’intérieur, comme de l’extérieur, mais en même temps plus déterminé à trouver mon port d’attache. Nietzsche a dit que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts ! Je ne sais pas si cela est vrai pour tout le monde, mais pour moi cela s’est avéré exact ! J’ai fini par trouver mon havre de paix, et ai jeté l’ancre sans hésiter ! Ah ! Les souvenirs, ces fugaces clichés restitués par petites touches à la manière d’un kaléidoscope. Que ferions-nous sans eux alors qu’arrivés à l’aube de notre existence, nous pouvons enfin séparer le bon grain de l’ivraie d’une main assurée ? Accoudée, à la rambarde des années je suis des yeux le va-et-vient des rouleaux venant s'écraser sur la plage de ma mémoire. Sur chacun d’eux est inscrite l'histoire de la petite fille qui s’obstine à cheminer aux côtés de la vieille dame de crainte que l’une ou l’autre ne s’égare. S'agissait-il bien de ma vie qui défilait de souvenir en souvenir ou tout simplement de celle d’un flâneur atemporel s'étant fourvoyé sur des sentiers de traverses ? Avais-je vraiment été l’une pour devenir l’autre sans toutefois renoncer à être les deux à la fois ? Le passé et le présent cohabitaient-ils dans le même espace-temps bouleversant les règles les plus élémentaires de l’univers ? La fillette qui voulait devenir grande avant l’heure défiait-elle la vieille dame qui parfois aimerait bien redevenir une petite fille ? Que de questions labyrinthes dont personne ne connait les réponses, et avec lesquelles il me faudrait continuer mon chemin de vie jusqu'à la mort ! Quand, signe du temps passé, les premières rides apparaissent, on se dit que le moment de larguer les amarres est venu.

     

     

    De levers en couchers de soleil, il m’arrive de distinguer un arc-en-ciel dans lequel se dissolvent les volutes de mes automnes révolus. Jour après jour le temps règle son pas selon ce qui lui reste à parcourir avant de s’arrêter, avant de ne plus être ! Au fond, qu'importe le nombre de kilomètres qu’il me reste à parcourir avant que je n’atteigne l’étoile où l’esprit et le corps se dissocieront ! Le premier rejoindra sa source spirituelle, tandis que l’autre retournera à la poussière de laquelle il est issu. Ainsi va la vie, avec de petits pas hésitants au départ, puis à grandes enjambées à mi-chemin, et à petits pas comptés à l’arrivée !

     

     






    MA PETITE VOIX INTERIEURE

    25/09/2011 14:59

    MA PETITE VOIX INTERIEURE


     

     

     

    Notre présence en ce bas monde n’est pas le fruit du caprice d’un dieu, qui s’ennuyant ferme dans son céleste royaume nous aurait créés pour ne plus être seul. Et toutes ces questions existentielles qui nous submergent, et pour qui la plupart du temps reste sans réponses. En ce qui me concerne, je dirais que plus elles vont, plus mon questionnement se fait présent. Alors, par la magie de la pensée, je fais un saut dans le temps, je redessine d’un trait de pinceau les premières années de ma vie. Je les vois comme des lueurs multicolores pleines de rires qui miroitent au soleil de cette première saison où tout était encore possible. Puis, une ombre passe devant l’astre solaire, elle s’étend comme une menace, je suis plongée dans l’obscurité. Les yeux levés vers le ciel je cherche l’issue par laquelle s’est engouffré la lumière où se jouaient le rayonnement luxuriant de mes éclats de rire. Tu sais bien, me dit alors ma petite voix intérieure, qu’ici-bas rien ne demeure, que la vie est un grand livre sur lequel on ne peut pas revenir. Tu as eu ton premier comptant de bonheur, et tu devrais t’en réjouir au lieu de te lamenter. Tu n’espérais quand même pas entreprendre un voyage au long cours sans rencontrer de tempêtes, sans aborder sur des rives sur lesquelles tu devrais repartir à zéro, semer de nouvelles graines, et attendre la saison des récoltes. Tu es si jeune encore, si démunie face à l’univers, et il te faut apprendre de la joie, comme de la souffrance. Comment pensais-tu grandir, t’épanouir, et vieillir paisiblement sans passer par les différentes étapes de ton itinéraire un à un ? Tu sais bien qu’on ne peut pas revenir sur ce qui a été. La vie est ce que tu en fais, et dans ce domaine je dois dire que tu as fait fort ! Étais-tu donc si désespérée que tu dressais devant chacun de tes pas des obstacles à n’en plus finir ? Tu disais chercher la lumière en t’enfonçant dans les ténèbres, dans la négation de toutes les opportunités qui s’offraient à toi. Tu as fait tes choix, tu en as payé le prix, et en fin de compte tu as fini par retomber sur tes pieds, et la lumière est revenue. Elle a mis du baume sur tes blessures, adouci ton visage de quelques vénérables sillons comme ceux que trace le laboureur pour faire surgir de terre ses récolres.

     

    Tu es devenu le réceptacle d’une infime partie de la connaissance universelle, et il va te falloir encore bourlingué sur d’autres océans avant de trouver l’Éveil. Mais rassure-toi, ton prochain voyage sera plus gratifiant parce que ce que tu as acquis aujourd'hui te servira demain. Ma petite voix intérieure s’est tue, la paix est descendue en moi comme une caresse profonde, et j’ai continué ma route paisiblement.

     






    A NOUS DEUX LA VIE

    25/09/2011 14:21

    A NOUS DEUX LA VIE


     

     

    C’est ce que je me suis dit quand j’ai ouvert les yeux sur elle, et que je l’ai vue plus grimaçante que souriante   que souriante. Je n’avais quand même pas passé neuf longs mois dans les abysses maternels sans savoir ce qui m’attendait à la sortie. Mes deux premiers mois je me suis appliquée à devenir un fœtus qui ressemblerait à cette drôle de chose désignée sous le qualificatif d’être humain. Je ne savais ni ce que cela signifiait, ni ce que cela impliquait, mais n’avais-je le choix ? Puis au cours de ma progression, j’ai reçu plein de signaux qu’il m’a fallu décrypter sans l’aide de qui que ce soit, c’était marche ou crève. Là, par contre j’avais le choix, et j’ai fait celui de marcher parce que j’avais quelques idées en tête que je ne pouvais pas laisser passer. Jour après jour,  j’ai laissé mes petites cellules faire leur boulot, après tout, chacun a sa croix ou son bonheur en charge. M’en remettant selon mon état d’esprit à l’un ou à l’autre, je suis devenue d’heure en heure plus structurée, vous voyez ce que je veux dire. J’avais des bras, et des jambes qui s’agitaient dans tous les sens, une tête aussi ronde qu’une nuit de pleine lune, et au milieu un corps tenu en respect par un cordon. C’était par lui que maman me nourrissait, et me transmettait souvent à son insu quelques informations sur ce qui se passait à l’extérieur. Mon approche du monde étant restreinte, j’avais un peu de mal à réaliser ce qui la mettait dans un tel état de stress. N’étant pas en mesure de lui venir en aide, j’ai eu plus d’une fois envie de revenir sur mes pas, mais on ne badine pas avec son karma. Les dés étaient jetés, et il allait me falloir parcourir un long chemin avec au fond de l’âme cette portion de vie intra-utérin. Puis vint le jour, et l’heure de me mettre en route, de commencer mon hallucinante descente vers le monde des hommes. Je dois reconnaître que je fus prise de vertige, et de fébrilité suite à une météo qui serait passée de temps calme à avis de tempête sans crier gare. J’avais beau hisser les voiles, et m’accrocher au cordon pour ne pas me retrouver la tête en bas, rien n’y faisait, j’étais irrésistiblement délogée de mon habitat, et entrainé vers la sortie. J’étais presque arrivée non sans mal au point crucial qui séparait le dedans du dehors quand sans savoir comment je me retrouvais prisonnière du cordon. De nourricier il était passa à étrangleur, et je cru bien ma dernière heure arrivée. J’en étais là de mes déductions morbides quand je me retrouvais brusquement attirée hors des abysses par deux puissantes mains qui me délivrèrent. Je n’étais plus qu’à un doigt de m’en retourner sur mon étoile quand je chavirais une fois encore. En une fraction de seconde, je me retrouvais pieds en l’air, et tête en bas avec en prime ma première, et retentissante fessée. Je fus si indignée que je poussais un  retentissant hurlement d’indignation aussitôt réprimé par la sage-femme de l’ombre, madame Shpalienski. Je pensais en avoir appris suffisamment sur le monde durant ces neuf mois de cohabitations maternelles, mais j’étais loin du compte. J’avais probablement alerté tout le quartier de mon arrivée, mais par bonheur aucun de ces méchants dont on avait tout à craindre ne vinrent frapper à notre porte. J’étais déjà une forte en gueule même si je temporiserais durant quelques années avant de l’ouvrir à nouveau. Le premier chapitre de mon histoire était clos, et j’attaquais le second tambour battant. Celui-ci fut écrit en neuf ans et demi comme une symphonie bonheur pour se terminer en une longue, et douloureuse descente aux enfers. L’éclatement de mes structures familiales firent de moi un petit canard boiteux qui essaya de retrouver son équilibre pendant des années. Le troisième chapitre s’inscrivit non pas en lettres de feu, mais en torrents de larmes. Tout mon environnement aurait pu s’y noyer, mais la seule qui s’y perdit, ce fut moi. J’appris à ramer sur l’océan de mes larmes, et j’atteignis les rives de l’adolescence aussi désorientée qu’au premier jour de ma vie. J’étais pourtant entourée d’adultes sensés m’aider à progresser, mais mes difficultés existentielles étaient telles qu’ils ne surent en venir à bout. Le quatrième chapitre de ma vie s’installa non moins tourmenté, et désespéré pour mon entourage, et pour moi. La crise que l’on attribue aux adolescents fut en ce qui me concerna un long, et douloureux passage à vide. Plus une petite fille, et pas encore une femme je naviguais entre l’une, et l’autre sans pouvoir me situer, sans savoir avec laquelle des deux je devais continuer ma route. Ce fut une période de grand désarroi dans laquelle mon regard erra entre terre, et ciel à la recherche d’une réponse. Celle-ci me vint sous la forme d’une rencontre inattendue, mais qui m’aida à prendre conscience de mon identité. Elle remit les horloges de mon existence à l’heure, et m’aida à ranger les photos de l’adolescente boutonneuse dans l’album du passé. Grâce à elle, il me fut permis de faire mes premiers pas vers l’indépendance bien que ce ne fut pas sans dommages. Elle fut pour moi la guide dont j’avais besoin, et fit ce qu’aucune des personnes qui m’avaient eue en charge n’avait réussi à faire. J’inscrivis le numéro cinq à l’histoire de ma vie, et fonçais tête baissée dans la découverte du monde des adultes. Ce fut un apprentissage à risques, et bien souvent périlleux, mais j’eus raison des embûches qui avaient jalonné mon parcours, et en tirais une ardeur nouvelle. Puis, il y eut une parenthèse, une apparition surgie du fond de mes rêves les plus fous, un miracle fait homme qui m’apporta la sérénité dont j’avais tant besoin. Il était celui dont j’aurais besoin pour grandir intellectuellement, pour me trouver. Il m’apprit à appréhender la vie non pas comme quelque chose que l’on ne peut éviter, mais comme un bonheur sans cesse renouvelé. J’aurais voulu le garder contre mon cœur, ne jamais avoir à dénouer mes bras de lui, et le suivre partout où il aurait été. Mais cela n’était pas inscrit dans nos chemins de vie, et à deux reprises je dus le laisser partir, et me laisser intérieurement mourir. Mais avec l’âge, et avec tout ce qu’il m’avait transmis, je retrouvais la force, et la joie de continuer mon chemin en attendant son retour. La vie devint une quête spirituelle qui devait aboutir sur une meilleure compréhension des choses, et des êtres. J’essayais de retrouver un peu de moi dans les autres, et de transmettre un peu de moi aux autres. Je ne sais pas si cela améliore la qualité de mes prochains voyages, mais je l’espère. La saison hivernale de mon voyage étant arrivée avec la sagesse dans mes bagages, j’ai pris le temps de la réflexion. J’ai réalisé que les véritables barrières qui séparent les hommes sont celles que nous mettons souvent involontairement, et non celles que nous croyons êtres. Il suffit de mettre à profit tout ce qu’un jour on a reçu en échange de ce que l’on a donné pour grandir spirituellement. Quarante-neuf ans après, mon alter ego est toujours aussi près de moi que lors de notre cheminement commun.

     

    La vie est pleine de surprises bonnes ou funestes, mais ce n’est jamais sans raison, et nous devons apprendre à en décoder les signaux si nous voulons avancer vers la lumière.

     






    PIGALLE OU JE SUIS NEE

    25/09/2011 12:56

    PIGALLE OU JE SUIS NEE


     

     

    C’est dans un Paris occupé, et pullulant de collaborateurs que j'ai ouvert les yeux, et que j’ai poussé mon premier cri.  Cela s’était déroulé au numéro cinquante-neuf de la rue Pigalle dans le décor pittoresque d'une chambre d'hôtel dont les volets fermés laissaient filtrer la lumière d'un jour d'octobre blafard. Il faut dire que l'époque se prêtait plus volontiers à la mort qu'à la vie, et plus particulièrement pour les porteurs de l'emblématique étoile jaune. Je n’avais pas encore atteint ma troisième année d’existence quand Paris fût libéré ! Ma mémoire encore en rodage remisa ce que j'avais vu et entendu durant cette période afin de laisser le champ libre à ce qui allait suivre. Pendant huit ans et demi, je découvrirais avec une joie grandissante ma famille, toutes ces personnes avec qui j’avais des liens privilégiés. Puis il y aurait une première rupture, qui me déstabiliserait, et une seconde qui sèmerait la pagaille dans ma vie pendant des années. Entre la rue, et la place Pigalle, j’étais aux anges, et j’eus le cœur brisé les rares fois que je dus en franchir les limites. Tout comme Joséphine Baker, moi aussi j’avais deux amours, ma famille, et mon quartier, en deux mots, mon royaume ! Que de belles histoires j’aurais à vous raconter sur la rue, et la place Pigalle, ces deux sœurs siamoises qui menaient une double vie entre le jour, et la nuit ! Quand une partie de la population se levait, l'autre se couchait. Vertueuses demoiselles en compagnie des premiers, elles les accompagnaient dans leurs activités diurnes, et se métamorphosait comme par magie la nuit venue pour les seconds. Les ailes du Moulin de la galette ainsi que celles du Moulin rouge étaient le symbole du divertissement, et de la joie de vivre ! C’était le temps de l’après-guerre, celui où l'on se réjouissait d'être vivant, d'avoir eu plus de chance que les autres même si l’on ne s’en tirait pas sans quelques blessures. Au Moulin rouge, on passait des danses populaires le jour au spectacle de cabaret la nuit. Le champagne coulait à flots, tandis que les danseuses de french cancan levaient allègrement la jambe devant leur public ravi.

     

    Le jet d'eau de la place Pigalle revendiquait son importance dans ce décor magique, et offrait aux badauds sa musique fluide, et cristalline. Georges Ulmer était à l'honneur dans son gazouillis, et le restera alors que le jet d'eau aura disparu emporté dans la tourmente du temps ! Ce faisant, on a volé son âme et comme si cela ne suffisait pas on l’a aussi défiguré, et souillé par l’implantation d’infâme sex-shop ! On a tant, et si bien relooké ce quartier qu'aujourd’hui j’ai bien du mal à m’y retrouver ! Ma jeunesse s’en est allée laissant derrière elle la douceur d’une époque immémoriale. J’ai continué mon voyage existentiel tant bien que mal, souvent plus mal que bien d’ailleurs. Mon corps s’est déplacé en différents lieux, mais mon âme est restée liée à tout jamais dans cette enclave de ma naissance. Si j’avais ouvert les yeux ailleurs qu’à Pigalle, j’aurais sans aucun doute de bons, et mauvais souvenirs à me remémorer. Mais ils n’auraient pas eu la même portée que ceux qui me relient à ce quartier atypique de la capitale. Le temps passe, la mémoire demeure plus ou moins nette, plus ou moins fidèle, et il revient à chacun de se retrouver dans ses dédales. Chaque automne, je refais intérieurement le chemin à l’envers, ce sacrosaint pèlerinage de mes presque dix premières années d'existence. Je mets mes pas de vieille dame dans ceux de la petite fille que j'étais, et je retrouve instantanément ma rue Pigalle d'antan ! C'est tout un univers atemporel qui se déroule devant mes yeux. Le retour à la terre sacré de mes plus belles années d'existence ou personne ne parlait de lutte des classes. Riches, et pauvres se côtoyaient, se saluaient, et prenaient le temps de se connaitre. Ils discutaient de mille petites choses anodines qui permettait à tout à chacun de se sentir vivant ! Tout ce qui avait pignon sur rue avait sa clientèle selon qu’il faisait jour ou nuit. Les premiers bénéficiaient de la clarté du soleil, et les autres de celle des becs de gaz. Mon univers allait de la place Blanche au square d'Anvers qui fait face au Sacré-Cœur. Pigalle fut mon bastion, et c'est en toute sécurité que j’y déambulais. D'abord cet immeuble dans lequel ma famille vécut durant une quinzaine d'années. Puis cette chambre d'hôtel qui surplombe le Caprice viennois, ce cabaret qui traverse le temps comme si celui-ci n’avait aucun impact sur lui. Puis, nous pouvons voir ad vitam aeternam, du sud au nord, l’église du Sacré-Cœur, et celle de la Trinité.

     

     Cela permet aux riverains d'aller indifféremment aux Vêpres à l’église de la Trinité, et faire leurs Pâques à celle du Sacré-Cœur sans qu’il y ait des querelles de clocher  ! J’ai chéri ce quartier comme on aime sa patrie, et j’aurai pu prendre les armes pour la protéger ou la défendre si besoin avait été. J’avais l’âme d’un poulbot, les manières d’un titi, et l’allure d’une petite fille sortie tout droit d'un conte de Grimm. Jamais je ne me suis sentie lésée par la vie malgré la misère financière dans laquelle j’ai évolué, j’ai eu tant de compensations en retour ! Des parents que j’adorais, une grande sœur intelligente, et pétillante d’esprit, et un petit frère plein de rires, et de joie de vivre. Durant un peu plus de neuf ans, j’ai fait corps avec ce quartier avec qui j’avais tant partagé toutes ces années. Mais il fallut que la curiosité de Pandora la pousse à ouvrir sa boite pour qu'aussitôt tous les maux de la terre s'éparpillent au vent mauvais de la vie. Et c'est ainsi qu’un jour d’avril mille neuf cent cinquante-deux, tout fut dit pour moi ! Mais ça, c'est une autre histoire !

     

    Pour mémoire : La rue Pigalle porta en mille sept cent soixante-douze le nom de rue Royale, et accueillit le sculpteur Jean-Baptiste Pigalle qui y installa son atelier. Il fût considéré par ses contemporains comme un maitre, son œuvre étant à la charnière des courants baroques, et néoclassiques

     

     

     






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