| Accueil | Créer un blog | Accès membres | Tous les blogs | Meetic 3 jours gratuit | Meetic Affinity 3 jours gratuit | Rainbow's Lips | Badoo |
newsletter de vip-blog.com S'inscrireSe désinscrire
http://maurina.vip-blog.com


DES MOTS SANS RIMES NI RAISON.
VIP Board
Blog express
Messages audio
Video Blog
Flux RSS

DES MOTS SANS RIMES NI RAISON.

VIP-Blog de maurina
nathalie.elkine@sfr.fr

  • 52 articles publiés
  • 14 commentaires postés
  • 1 visiteur aujourd'hui
  • Créé le : 21/09/2011 19:05
    Modifié : 21/05/2013 11:34

    Fille (71 ans)
    Origine : FRANCE
    Contact
    Favori
    Faire connaître ce blog
    Newsletter de ce blog

     Septembre  2025 
    Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
    01020304050607
    08091011121314
    15161718192021
    22232425262728
    29300102030405
    [ MOTS DU COEUR ] [ PHOTOS ] [ MOTS D'AMOUR ] [ PENSEES ] [ PUBLICATIONS ] [ FACEBOOK ]

    LA VERDIERE

    26/09/2011 12:27

    LA VERDIERE


     

     

    Je me souviens de cette grande maison de briques rose surplombant une pelouse qui descendait en pente douce jusqu’au jardin potager. Parallèlement au portail se tenait entre une table taillée dans la pierre provenant probablement de la carrière voisine. Entourée par deux bancs, elle semblait vous inviter à un goûter champêtre. C’était, en vérité, une bien belle demeure à qui les siècles avaient donné un lustre de sérénité, et qui ravissait le cœur de mademoiselle Zernov. Le jour ou Jacques, et moi, installés à l’arrière de sa deux-chevaux brinquebalante arrivâmes, elle nous ouvrit la porte avec ostentation, un petit sourire aux lèvres. Cette propriété sur laquelle elle avait les pleins pouvoirs faisait ressortir la chaleur humaine qu’elle se gardait bien d’extérioriser. Oh ! Bien sûr, je ne me suis pas aperçue tout de suite de ce point de sa personnalité, mes préoccupations étant d’un tout autre ordre. Contrairement à elle, je détestais tout ce que voyais, elle y compris. Tous les châteaux du monde n’auraient pu remplacer le foyer que Jacques, et moi venions de quitter, et je resterais relier à lui corps, et âme. Une toute petite maison pleine d’amour ne pouvait être remplacée par une grande remplie de vie, certes, mais à qui il manquerait toujours pour chacun de nous la présence parentale. Une fois sortis de la voiture, mademoiselle Zernov ouvrit la marche, et Jacques, et moi la suivîmes en trottinant. Toujours dans le même ordre, nous gravissions les marches du perron quand il me sembla entendre ces dernières ricaner. La douleur est parfois sujette à quelques bizarreries, dont celle de prêter une voix à des marches de pierre. Surprise, je ralentis légèrement mon allure, et tendis l’oreille, et voici ce que je crus entendre :

     

    " Soyez les bienvenus au royaume du désespoir, mes chers petits. Vous allez entrer dans une grande salle pleine de jeunes filles rieuses, mais ne vous fier pas aux apparences, le rire est parfois le meilleur moyen de ne pas pleurer. Longue vie à La Verdière ! "

     

    C’est sur ce dernier mot articulé par des marches en pierre que nous pénétrâmes dans la grande salle où se tenait un groupe de jeunes filles.

     

     Toutes uniformément vêtues d’une robe en feutrine bleue, elles se tenaient sur le côté gauche d’un piano sur lequel un vieil homme aux mains noueuses jouait. Elles répétaient les chants liturgiques pour la célébration des fêtes de Pâques selon le rite orthodoxe. À notre arrivée, elles se turent, et le vieil homme qui tournait le dos à la porte fit entendre encore quelques notes avant de se retourner. Quand il vit mademoiselle Zernov, il se leva de son siège comme mû par un ressort, et vint lui baiser la main. C’était la première fois que je voyais ce genre de salut, et pendant un bref instant je crus être dans un asile d’aliénés. La répétition était terminée, les jeunes filles firent cercle autour de Jacques, et moi, et tous sourires dehors elles nous inspectèrent de la tête aux pieds. Retenant mes larmes à grand-peine, mon baigneur serré contre mon cœur, et la main de Jacques dans la mienne, nous restâmes impassibles. Après nous avoir présentés, mademoiselle Zernov s’était rendue dans le bureau de la sous-directrice, et le vieil homme dont on avait plus besoin s’en était allé. Les deux femmes nous rejoignîmes, et mademoiselle Zernov fit à nouveau les présentations. La sous-directrice était plus jeune, et plus chaleureuse que cette dernière, mais j’étais bien décidée à ne pas me laisser amadouer par quiconque vivant sous ce toit. Maya, une des grandes filles fut désignée pour me montrer ma chambre, et me faire visiter la maison. J’allais la suivre sans lâcher la main de Jacques, mais mademoiselle Zernov me dit :

     

    " Irina (La Verdière étant la représentation de la sainte Russie, Irène était devenue Irina, et Jacques Yacha), ici, c’est la maison des tout petits, et Yacha qui va aller à l’école va vivre Au Vieux Logis avec les autres garçons. "

     

    Je repensais à ce que les marches du perron m’avaient dit ou tout du moins à ce que j’avais cru entendre, et les sanglots que je retenais depuis si longtemps fusèrent. Maya se détacha du groupe, et me prenant par la main m’entraina vers les escaliers. Je me retournais vers Jacques, mais le cercle des filles s’était déjà refermé sur lui, et je m’accrochais de toutes mes forces à mon baigneur. Maya me montra ma chambre, puis elle s’arrêta devant une pièce occuper par une vieille dame qui l’interpella, nous rentrâmes. Celle-ci était assise sur un fauteuil roulant, et nous fit signe d’approcher, puis s’adressant à Maya en russe, elles échangèrent quelques mots. Ensuite, elle s’adressa à moi, mais comme je ne pus lui répondre elle me foudroya du regard, prenant alors mes jambes à mon cou je courus vers les escaliers.

     

    Maya aux trousses, je déboulais dans la grande salle, et me frayant un passage dans le cercle, je rejoignis Jacques sous le regard étonné de l’assistance. Mademoiselle Zernov surprise demanda à mon guide ce qui s’était passé qui me mettait dans un tel état, et lorsque Maya lui eut raconté les faits, elle resta silencieuse. Puis regardant l’heure, elle me dit qu’il était temps pour Jacques de découvrir son nouveau lieu de vie. Mais, ajouta-t-elle, ne sois pas inquiète, ce n’est qu’à une dizaine de minutes d’ici, et comme c’est les vacances, tu pourras le voir tous les jours.

     

    Soixante ans se sont écoulés depuis, mais je me souviens de cette première journée de pensionnaire comme si je venais juste de la vivre. Les souvenirs gravés dans ma mémoire ont gardé toute leur puissance, et il me suffit de fermer les yeux pour m’y retrouver encore, et toujours. Je ne sais pas si j’ai fini par accepter ce retournement de situation qui avait fait d’une petite fille heureuse au sein de sa famille une pensionnaire à plein temps pour les six années à venir. Ce fut une période charnière de mon existence, et là où Micheline s’était enfuie, moi je ne demandais qu’à y retourner. Mais aussi fort que fût l’amour que se portaient mes parents, il était bien trop endommagé pour avoir la moindre chance de repartir sur de nouvelles bases. Ma vie en fut bouleversée, mais me rendit plus forte pour continuer ma route, et me donner les moyens de panser mes plaies en la racontant.

     

    Pour mémoire : La vieille dame en chaise roulante était la mère de l’éducatrice du groupe des moyennes auquel je fus rattachée.

     






    [ Annuaire | VIP-Site | Charte | Admin | Contact maurina ]

    © VIP Blog - Signaler un abus