J’ai traversé la vie sur un radeau de fortune au gré des vents et des tempêtes non sans connaitre parfois quelques accalmies. J’ai ployé sous les bourrasques, et tanguer en équilibre instable sous les coups de semonce venues des fonds abyssaux, et ai même chaviré corps et biens parfois. Mais jamais je n’ai cessé de remonter à la surface m’accrochant à tout ce qui passait à portée de mains afin de pouvoir continuer ma route. Je me retrouvais après chaque naufrage un peu plus éclopée de l’intérieur, comme de l’extérieur, mais en même temps plus déterminé à trouver mon port d’attache. Nietzsche a dit que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts ! Je ne sais pas si cela est vrai pour tout le monde, mais pour moi cela s’est avéré exact ! J’ai fini par trouver mon havre de paix, et ai jeté l’ancre sans hésiter ! Ah ! Les souvenirs, ces fugaces clichés restitués par petites touches à la manière d’un kaléidoscope. Que ferions-nous sans eux alors qu’arrivés à l’aube de notre existence, nous pouvons enfin séparer le bon grain de l’ivraie d’une main assurée ? Accoudée, à la rambarde des années je suis des yeux le va-et-vient des rouleaux venant s'écraser sur la plage de ma mémoire. Sur chacun d’eux est inscrite l'histoire de la petite fille qui s’obstine à cheminer aux côtés de la vieille dame de crainte que l’une ou l’autre ne s’égare. S'agissait-il bien de ma vie qui défilait de souvenir en souvenir ou tout simplement de celle d’un flâneur atemporel s'étant fourvoyé sur des sentiers de traverses ? Avais-je vraiment été l’une pour devenir l’autre sans toutefois renoncer à être les deux à la fois ? Le passé et le présent cohabitaient-ils dans le même espace-temps bouleversant les règles les plus élémentaires de l’univers ? La fillette qui voulait devenir grande avant l’heure défiait-elle la vieille dame qui parfois aimerait bien redevenir une petite fille ? Que de questions labyrinthes dont personne ne connait les réponses, et avec lesquelles il me faudrait continuer mon chemin de vie jusqu'à la mort ! Quand, signe du temps passé, les premières rides apparaissent, on se dit que le moment de larguer les amarres est venu.
De levers en couchers de soleil, il m’arrive de distinguer un arc-en-ciel dans lequel se dissolvent les volutes de mes automnes révolus. Jour après jour le temps règle son pas selon ce qui lui reste à parcourir avant de s’arrêter, avant de ne plus être ! Au fond, qu'importe le nombre de kilomètres qu’il me reste à parcourir avant que je n’atteigne l’étoile où l’esprit et le corps se dissocieront ! Le premier rejoindra sa source spirituelle, tandis que l’autre retournera à la poussière de laquelle il est issu. Ainsi va la vie, avec de petits pas hésitants au départ, puis à grandes enjambées à mi-chemin, et à petits pas comptés à l’arrivée !