Je suis arrivée en Israël avec pour tout bagage des rêves à n’en plus finir, et des illusions à faire déplacer les montagnes. Je débarquais vingt-deux ans après mes grands-parents sur cette terre comme on le ferait en arrivant au paradis. J’allais enfin pouvoir donner un sens à ma vie, et mes enfants pourraient s’épanouir comme de belles fleurs sous le soleil. Enfin, c’était ce que je me disais, ce que je voulais croire pour continuer ma route le regard fixé sur un horizon arc-en-ciel. Mais passé le moment d’euphorie, les premières difficultés ne tardèrent pas à apparaître. N’étant pas citoyenne israélienne, j'ai survécu en grande partie grâce au dévouement de ma tante Myra, ainsi que de celui d’Éléonore, la fille de ma tante Margot. Puis il y eut la Guerre des Six Jours, une période de folie collective, et de rumeurs concernant nos diaboliques voisins. J’étais sur le point de mettre au monde mon troisième enfant, une autre petite fille. La vie contre la mort, un olivier de plus à planter, et des centaines de tombes à creuser. On peut être sur sa terre sans pour autant faire sienne sa guerre ! Car quels que soient les mobiles dont on se justifie, la violence n’a jamais été, et ne sera jamais le meilleur moyen d’appréhender la paix. La terre de Palestine était bien le berceau de mes ancêtres maternels même si celle-ci fut amputée de son indispensable moitié devenue État d’Israël ! Berceau du christianisme, époque bénie entre toutes où le lait, et le miel coulaient sans qu'on eût à se baisser pour les déguster. En six jours, j’ai vu plus de sang couler que de lait ou de miel, et quand je dis six jours, c’est une métaphore. Ces perpétuels conflits entre cousins ont transformé cet état en mer Rouge du sang de leurs fils. En mer Morte de honte d’avoir oublié que cette terre d’un côté, comme de l’autre, était celle où Jésus était né, et sur laquelle par amour pour l’humanité Il avait péri ! Moi, je n’ai jamais eu que des mots pour répondre aux fusils, et des prières pour faire face aux canons ! La vie dans un cri, la mort dans une rafale de mitraillette, la haine en guise d’amour, et des fusils à la place de moissonneuses. Le cœur des hommes aurait-il cessé de battre au rythme des récoltes de la terre, et ne plus se reconnaitre que dans celle de la haine fratricide ?
Vos combats sont les miens, et vos douleurs les miennes, mes frères palestino-israéliens, mais votre obstination à vous entre-tuer finira par vous anéantir, par vous rayer de la carte du monde. Au saint nom d’Allah ou de Jéhovah, déposer vos armes, accordez-vous une trêve d’amour, une réconciliation, de paix. Lorsque tu ris, je ris avec toi, et quand tu pleures, c'est aussi moi qui sanglote, mon frère du proche, et du Moyen-Orient. Je suis la mère qui porte son enfant avec l’espoir de le voir devenir un homme, et l’enfant qui espère faire prospérer sa terre sous laquelle il reposera un jour. L’Orient qu’il soit proche ou moyen n’a-t-il pas d’identiques soleils, et de semblables lunes ? Les blessures faites à l’âme, et au corps ne sont-elles pas semblables pour tous, et n’y aurait-il pas moyen d’y remédier pendant qu’il est encore temps ?
Pourquoi ne pas partager équitablement ce qui revient à tous au lieu de vous affronter comme des chiens enragés pour n’obtenir que la mort, et le désespoir en retour ? Pourquoi ne pas labourer vos champs comme un seul homme plutôt que de monter la garde pour les protéger ? Que de questions posées qui restent aujourd’hui encore sans réponse ! Enfants de Palestine, de Syrie, du Liban ou d’Israël, vous êtes les architectes d’un monde prospère, alors, qu’attendez-vous pour vous mettre à l’œuvre ? Reconnaissez-vous au nom de cette fraternité qui est la vôtre, réunissez-vous dans la lignée de cette grande famille du peuple sémite. Remplacez les armes par des moissonneuses pour tracer dans un équivalent élan vital les sillons sur lesquels vos enfants pourront un jour marcher sereinement. Essuyez les larmes des mères, et des veuves, et redonnez-leur l’envie de sourire à la vie. Les frontières ont été érigées par des hommes, et ne font que les séparer davantage alors que la terre appartient à tout le monde. Ne pourriez-vous pas faire en sorte qu’elles deviennent des portes ouvertes permettant d’aller, et venir librement d’un côté, comme de l’autre ? La vie est faite pour être célébrée, la terre pour être moissonnée que ce soit au Proche ou au Moyen-Orient.